Les tirs des drones américains et les représailles des talibans, qui attaquent les camions de ravitaillement de la force de l'OTAN en Afghanistan, se succèdent chaque jour au Pakistan où Al-Qaïda prépare, selon Washington et l'UE, des attentats en Europe.

Au moins 120 camions d'équipements ou de carburant destinés aux forces internationales en Afghanistan --essentiellement américaines-- ont été incendiés en une semaine dans cinq attaques audacieuses.

Les talibans pakistanais, qui ont fait allégeance à Al-Qaïda et sont alliés à leurs pairs afghans, les ont revendiquées, «en représailles» aux tirs, quasi-quotidiens depuis un mois, des drones de la CIA ciblant, dans les zones tribales du nord-ouest frontalières avec l'Afghanistan, les cadres et combattants du réseau d'Oussama ben Laden.

Mercredi, deux commandos lourdement armés ont incendié au total 72 de ces camions appartenant à des compagnies pakistanaises, à Quetta (sud-ouest) et Nowshera (nord-ouest).

Jeudi soir, un drone américain a lâché deux missiles sur le district tribal du Waziristan du Nord, tuant au moins quatre insurgés, moins de 24 heures après deux attaques similaires non loin de là dans lesquelles huit militants islamistes ont péri, selon des responsables militaires pakistanais.

Ce district, où la frontière serpente dans un relief très montagneux, est considéré comme le coeur d'une nébuleuse de talibans pakistanais, afghans et de combattants et cadres d'Al-Qaïda. Il est pointé du doigt par Washington et l'Union européenne comme le lieu où sont planifiés des attentats et des attaques commandos en Europe, notamment en Grande-Bretagne, France et Allemagne.

C'est également là que se concentrent les camps d'entraînement des talibans pakistanais, avec un «savoir-faire» dont bénéficient les combattants et futurs kamikazes étrangers d'Al-Qaïda: le Mouvement des Talibans du Pakistan (TTP), qui revendique les attaques contre les camions de l'OTAN, est aussi le principal responsable d'une vague de quelque 400 attentats -suicide pour la plupart- qui ont coûté la vie à plus de 3.700 personnes dans tout le pays en trois ans.

Les services de renseignements occidentaux, mais aussi certains responsables pakistanais, estiment que quelques dizaines d'insurgés détenant des passeports européens, américains, canadiens ou australiens sont actuellement présents dans les zones tribales.

Lundi, cinq Allemands d'origine turque ont été tués par un drone parmi huit insurgés au Waziristan du Nord, selon des responsables pakistanais.

«Nous allons intensifier nos attaques contre les camions de ravitaillement de l'OTAN à mesure que celles des drones se multiplient», a promis mercredi Azam Tariq, porte-parole du TTP.

Depuis un peu plus d'un mois, 26 attaques de drones ont tué quelque 150 personnes, presque toutes dans le Waziristan du Nord.

La menace terroriste qui pèse sur l'Europe est «réelle», a estimé mercredi le coordonnateur de la lutte contre le terrorisme de l'Union européenne, Gilles de Kerchove, ajoutant: «Et ce d'autant plus que la pression s'accentue sur le coeur d'Al-Qaïda entre l'Afghanistan et le Pakistan par le fait des drones».

Ces événements surviennent dans un certain climat de défiance entre Washington et Islamabad. Un rapport récent de la Maison-Blanche transmis au Congrès affirme que les forces pakistanaises évitent «les affrontements directs» avec les talibans afghans et les militants d'Al-Qaïda, notamment au Waziristan du Nord.

D'une manière assez inhabituelle, le Pakistan a réagi jeudi aux attaques de drones, ne voyant «aucune justification» à ce qu'il considère comme une «violation de (sa) souveraineté».

La campagne des drones de la CIA a débuté en 2004, et s'est considérablement intensifiée à partir de l'été 2008: 142 salves ont été tirées depuis, tuant plus de 1.100 personnes, des insurgés pour la plupart, mais aussi des civils.

Depuis 2008, Islamabad ne protestait que rarement, et pour la forme pour une opinion publique profondément anti-américaine. Les médias pakistanais et américains se font régulièrement l'écho d'un accord secret entre les deux pays pour autoriser ces frappes.

Photo: AFP

Depuis début septembre, la CIA a intensifié considérablement ses frappes de drones au Pakistan.