Un champignon nucléaire flottant au-dessus de New York, Paris ou Pékin: glacée par le cauchemar d'un attentat atomique, l'administration Obama a érigé le terrorisme nucléaire en menace numéro un. Mais les experts restent divisés sur la probabilité d'un tel scénario.

Nombre d'entre eux doutent de la capacité d'Al-Qaeda à mettre la main sur des matériaux fissiles, à fabriquer une bombe nucléaire ou encore à se servir d'une telle arme.

Washington jure pourtant avoir des raisons de s'alarmer.

«Une bombe nucléaire de 10 kilotonnes à Times Square pourrait tuer un million de personnes», a averti vendredi la secrétaire d'État américaine Hillary Clinton.

Lors d'un sommet lundi et mardi à Washington, le président américain Barack Obama va chercher à convaincre les principales puissances de sécuriser «partout dans le monde d'ici quatre ans» les matériaux nucléaires qui pourraient tomber entre de mauvaises mains.

Il existe quelque 1 600 tonnes d'uranium hautement enrichi et 500 tonnes de plutonium dans le monde, soit suffisamment pour fabriquer 120 000 bombes nucléaires.

Or leur accès n'est pas toujours suffisamment sécurisé. L'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) a recensé une quinzaine de cas de trafic d'uranium enrichi ou de plutonium entre 1993 et 2008, notamment dans l'ex-bloc soviétique.

Les États-Unis craignent également la prolifération de matériel nucléaire par des États comme la Corée du Nord ou encore le Pakistan, dont les services secrets sont soupçonnés de soutenir les talibans et Al-Qaeda.

Et pour le renseignement américain, il ne fait aucun doute qu'Al-Qaeda et d'autres groupes, comme les séparatistes tchétchènes ou la secte japonaise Aum, cherchent à se procurer l'arme ultime.

Mais peu croient en leurs chances de succès.

«Des terroristes comme Al-Qaeda veulent obtenir et utiliser la technologie nucléaire. Nous le prenons très au sérieux», a souligné à l'AFP un responsable anti-terroriste américain ayant requis l'anonymat.

Toutefois, «à ce stade ils ne semblent pas avoir fait beaucoup de progrès, reconnaît-il. Développer une bombe nucléaire requiert un processus sophistiqué qu'Al-Qaeda ne maîtrise visiblement pas».

«Il serait beaucoup plus probable qu'un groupe terroriste cherche à acheter ou voler des armes nucléaires», estime Dan Byman, expert à l'institut Brookings.

Même si Al-Qaeda parvenait à s'emparer d'un engin nucléaire, son utilisation ne serait «pas évidente», juge Mehdi Mekdour, du GRIP (Groupe de recherche et d'information sur la paix et la sécurité) de Bruxelles, qui a étudié la sécurisation des installations nucléaires pakistanaises.

«Au cas où des terroristes s'empareraient d'une ogive, un système informatique et un système complémentaire de double codage devraient en principe les empêcher de s'en servir», dit-il.

Pour d'autres analystes, les extrémistes ne franchiraient tout simplement pas la terrifiante limite du nucléaire.

«D'après beaucoup d'experts, les armes nucléaires représentent pour les terroristes l'ultime fantasme de pouvoir, mais ces derniers concluraient en y pensant à deux fois que cela ne servirait pas nécessairement leur cause», explique Brian Michael Jenkins, expert du centre de réflexion RAND.

Dépourvu pour l'heure de l'arme ultime, Al-Qaeda a malgré tout réussi sur un plan: faire peser la menace nucléaire sur gouvernements et opinions publiques, souligne l'auteur de l'ouvrage «Les terroristes mettront-ils la main sur l'arme nucléaire?».

Le réseau extrémiste responsable des attentats du 11-Septembre «semble avoir compris qu'il n'avait pas besoin de posséder l'arme atomique pour répandre la terreur nucléaire», résume M. Jenkins.