Un juge fédéral américain a innocenté Mohammedou Ould Slahi, un Mauritanien actuellement détenu à Guantanamo, qui avait pourtant été présenté par l'administration Bush comme ayant des liens avec les attentats du 11 septembre, a-t-on appris mardi de source judiciaire.

Dans une notice tenant en deux lignes publiée sur le site du tribunal fédéral de Washington, que l'AFP a consultée, le juge James Robertson donne raison à M. Slahi qui contestait sa détention à Guantanamo, selon la procédure au civil dite d'Habeas corpus.

Le juge précise qu'un argumentaire expliquant sa décision sera rendu public quand il aura été déclassifié par les services de renseignement.

En mars 2005, M. Slahi avait déposé son premier recours rédigé à la main en anglais devant le tribunal fédéral de Washington. L'administration Bush lui reprochait notamment d'avoir participé à la «cellule de Hambourg», liée aux attentats du 11 septembre, le Mauritanien ayant passé plusieurs années en Allemagne après son retour d'Afghanistan en 1992.

Dans son recours, M. Slahi expliquait s'être présenté de lui-même aux autorités mauritaniennes après les attentats du 11 septembre 2001.

Selon la transcription par un officier américain des débats lors de l'examen à Guantanamo des charges pesant contre lui, qui n'est pas datée, M. Slahi a passé après son arrestation huit mois en Jordanie, où il a été interrogé. «Ils m'ont rendu fou pour que j'admette avoir quelque chose à voir avec» le complot pour organiser un attentat en 1999 contre l'aéroport de Los Angeles.

«Il y avait tellement de pression et de mauvais traitement que je l'ai admis», avait-il ajouté.

Après les attentats du 11 septembre, les États-Unis ont transféré pour interrogatoires certains suspects de terrorisme, dit de «haut intérêt» dans des pays étrangers, soit dans des prisons secrètes de la CIA, soit confiés aux autorités locales. Tous ont témoignés avoir été torturés.

Les audiences qui ont conduit à la décision du juge Robertson se sont tenues en décembre à huis clos pour des questions de secret-défense.

Les avocats de Mohamedou Ould Slahi avaient dénoncé en mars 2008 les «tortures sévères» subies par leur client, en Jordanie puis à Guantanamo. Ils avaient assuré que son dossier était «tellement sale et insoutenable» qu'un procureur militaire chargé de l'instruction «a dû renoncer, eu égard aux formes cruelles de tortures pratiquées contre lui», à le poursuivre en justice.

Malgré les graves accusations pesant contre lui, M. Slahi n'a en effet jamais été renvoyé devant un tribunal militaire d'exception.

Il s'agit du 34e détenu de Guantanamo blanchi par un juge fédéral depuis que la Cour suprême leur a donné le droit de contester leur détention devant la justice de droit commun. Mais cette décision du juge Robertson ne signifie pas pour autant que M. Slahi va être libéré de sitôt. Une dizaine de détenus «libérés» sont encore emprisonnés à Guantanamo, soit parce que le gouvernement a fait appel, soit parce qu'aucun pays tiers n'a été trouvé pour les recevoir.