Pour Gérard Trudeau, l'équation est assez simple: pas de touristes, pas de fines herbes.

Quand il a choisi de s'établir en République dominicaine il y a 25 ans, c'est beaucoup parce que des dizaines d'avions y transportaient déjà des Québécois. Aujourd'hui, quand les gros porteurs reviennent à Montréal, ils ne transportent pas que des chapeaux de paille exotiques, du rhum et des coups de soleil. Ils transportent aussi ses fines herbes.

«On avait regardé au Chili, en Californie, au Mexique», se souvient Gérard Trudeau. Mais pour le transport rapide de ses délicates herbes, la République dominicaine était le meilleur choix. Aujourd'hui, la famille Trudeau est propriétaire de 6,5 hectares de terre dominicaine dans le centre du pays. C'est peu, comparé aux 120 hectares que possède la famille à Saint-Mathieu-de-Beloeil.

C'est la nécessité d'être présent 365 jours sur 365 dans les supermarchés qui a poussé la famille Trudeau à acheter une ferme au soleil. Même chose pour Gerry Van Widen, président de Veg Pro, qui fait pousser des légumes frais tant à Sherrington, au Québec, qu'en Floride.

Contrairement à la production dominicaine des Trudeau, uniquement destinée au marché québécois et essentiellement en hiver, les légumes floridiens de M. Van Widen nourrissent aussi des Américains de toute la côte est, avec des produits plus frais que ceux de la Californie, par exemple.

Pour ces hommes d'affaires dans le rôle de l'étranger sur les terres ensoleillées, l'arrivée au Québec d'investisseurs agricoles étrangers est observée avec scepticisme. Veulent-ils cultiver la terre? Ou spéculer sur sa valeur? «Ça m'apparaît un peu loufoque qu'une société chinoise cotée en Bourse ne fasse qu'acheter des terres, dit Gerry Van Widen. Pour moi, une terre, c'est un outil de production. Sur une terre noire négligée, les mauvaises herbes s'installent et détruisent 10-15 ans de travail.»

«S'il s'agit d'agriculteurs, ce n'est pas nécessairement mauvais», croit Gérard Trudeau. «Peut-être que quelqu'un arrivera avec un débouché fantastique qui nous permettra d'exporter?» ajoute-t-il. «Je pense qu'il faut bien vérifier la raison pour laquelle les gens viennent faire une acquisition et ce qu'ils apportent. Mais il ne faut pas s'en affoler.»