À quelques kilomètres du lieu où Barack Obama a fêté il y a un an sa victoire à l'élection présidentielle américaine, subsistent à Chicago des quartiers envahis par les gangs, où les enfants risquent littéralement leur peau en rentrant de l'école.

Le meurtre fin septembre de Derrion Albert, un élève modèle de 16 ans, par une bande d'adolescents en furie, a scandalisé le pays après l'apparition d'une vidéo réalisée à l'aide d'un téléphone portable. Les images montrent des jeunes en train de frapper Derrion à coups de planches de bois, avant de lui donner des coup de pieds en pleine tête une fois qu'il est au sol. Tous les jeunes impliqués dans cette bataille de rue étaient noirs, y compris Derrion.

Une mort loin d'être inhabituelle à Chicago, où deux autres étudiants ont été tués rien qu'au mois de septembre. Au cours de la dernière année scolaire, 36 élèves ont été tués et plus de 500 blessés par balles.

Au niveau national, le problème est aussi grave: plus de 60% des jeunes Américains ont récemment indiqué lors d'une enquête avoir été confrontés directement ou indirectement à la violence au cours de l'année écoulée. Plus d'un élève sur cinq âgé de 14 à 17 ans a précisé avoir été témoin d'une fusillade au moins une fois.

Le ministre de l'Education, Arne Duncan, ex-inspecteur en chef des écoles de Chicago, s'est rendu sur place le mois dernier avec le ministre de la Justice Eric Holder. Il a promis «un effort national» pour combattre la violence chez les jeunes, un phénomène qui se cristallise dans la troisième ville américaine.

«Nous ne pouvons pas accepter une épidémie de violence qui vole l'enfance de nos jeunes et perpétue un cycle faisant des victimes d'aujourd'hui les criminels de demain», a dit M. Holder.

Le phénomène touche plus particulièrement les adolescents de la communauté noire, chez qui le taux d'homicides est six fois plus élevé que chez les Blancs.

Pour Robert Rooks, directeur des programmes de justice criminelle de la principale organisation des Afro-Américains (NAACP), le problème remonte aux années 1980 et découle d'une mauvaise réponse à l'invasion du crack au coeur des grandes villes.

«D'une certaine façon, c'est comme si une bombe avait frappé la communauté des Noirs américains», dit-il à l'AFP, expliquant que la drogue a été perçue comme un problème de criminalité et non de santé publique, ce qui est vrai pour Chicago comme pour l'ensemble du pays.

En 1992, au niveau national, un Noir sur trois de 18 à 29 ans était soit en prison, soit en liberté conditionnelle ou sur parole. La situation s'est améliorée depuis, mais un Noir sur neuf de 20 à 34 ans reste concerné.

M. Rooks estime que l'administration Obama aborde le problème de façon nouvelle et énergique et cite un projet mis en oeuvre à Chicago.

Ce programme, baptisé «Cessez-le-feu» a permis de réduire les fusillades de 41 à 73% dans les quartiers où il est mis en oeuvre.

Il se base sur la participation d'habitants du quartier qui ont réussi à changer de vie et tendent la main à d'autres membres de gangs pour les aider à finir leur études ou trouver un emploi.

Mais, reconnaît Tio Hardiman, responsable du programme, «la violence a été transmise de génération en génération, c'est pour ça qu'on assiste à des actes de violence comme ce qui est arrivé à ce jeune garçon», Derrion Albert.