L'assassinat d'un responsable d'un parti prosyrien vient fragiliser les efforts de réconciliation nationale au Liban déjà menacés par les profondes divergences entre les parties rivales, estiment des analystes.

Dirigeants et observateurs ont souligné le moment choisi pour cet attentat qui a coûté la vie mercredi à Saleh Aridi, membre influent du Parti démocratique de Talal Arslane, un leader de la minorité parlementaire soutenue par Damas et Téhéran et rival traditionnel du druze Walid Joumblatt, ténor de la majorité.

L'attentat, le premier visant un responsable prosyrien, survient en effet quelques jours avant la reprise prévue mardi du dialogue national devant permettre à toutes les parties de régler leurs divergences après une période de crise ayant dégénéré en violences meurtrières en mai et fait craindre un retour à la guerre civile.

Les responsables politiques devraient notamment discuter dans le cadre de ce dialogue d'une «stratégie de défense nationale» pour définir les relations entre le Hezbollah chiite et l'armée.

«Il faut prendre garde à toutes les conspirations qui visent à (...) entraver les efforts de réconciliation et les préparatifs pour le dialogue national», a prévenu le président Michel Sleimane, qui a convoqué cette session de dialogue.

«Qui veut tuer le dialogue?» demandait jeudi le quotidien francophone l'Orient-le-Jour, alors que le journal An-Nahar, proche de la majorité antisyrienne, titrait «le crime de Baysour: un veto sanglant contre les réconciliations», en référence à la localité au sud-est de Beyrouth où s'est produit l'attentat.

Selon l'entourage de M. Joumblatt, la victime oeuvrait pour consolider la réconciliation entre les deux dirigeants druzes entamée après les violences de mai dernier.

La réconciliation «porte préjudice à certains», a affirmé M. Joumblatt mercredi soir, en allusion à la Syrie, ancienne puissance de tutelle.

Le président syrien Bachar al-Assad avait déclaré le 4 septembre à Damas que la situation au Liban était encore «précaire».

Damas est accusé par la majorité au Liban de déstabiliser le pays et d'être derrière les attentats ayant visé des personnalités antisyriennes depuis 2004, tandis que le camp prosyrien accuse Israël.

Jeudi, la Syrie a condamné l'assassinat de Aridi, «dénonçant avec fermeté un acte criminel et terroriste» et exprimant «sa douleur, sa tristesse et ses condoléances au Liban frère et à la famille du défunt», selon un communiqué du ministère des Affaires étrangères à Damas.

À Beyrouth, le Hezbollah a affirmé dans un communiqué que l'assassinat «servait le projet d'Israël qui se sent lésé par (...) les efforts de réconciliation et veut empêcher le pays de connaître la stabilité».

Mais M. Arslane s'est contenté de déclarer: «le message a été bien reçu», refusant de spéculer sur l'identité des coupables.

«Les commanditaires de l'assassinat ont choisi le moment opportun pour ramener les protagonistes à un climat de suspicion après l'apaisement» récent, affirme à l'AFP Fadia Kiwane, de l'Institut de sciences politiques à l'Université Saint Joseph à Beyrouth.

Certains tablaient sur des divisions plus profondes, «et se sentent lésés par les efforts de réconciliation», dit pour sa part Oussama Safa, directeur du Centre libanais des études politiques.

Selon lui, cet assassinat «affectera le dialogue national sauf si les protagonistes arrivent à en circonscrire les conséquences».

Le dialogue est déjà menacé par les divisions, notamment concernant le dossier de l'armement du Hezbollah.

Les protagonistes «divergent sur tout et notamment sur l'idée qu'ils se font du Liban», explique Rafic Khoury, rédacteur en chef du quotidien indépendant Al Anwar. «La majorité antisyrienne veut discuter d'une stratégie de défense nationale pour désarmer le Hezbollah et ce dernier veut en discuter pour garder son arsenal».