Des centaines de milliers de sinistrés pris au piège par les pires inondations dans l'est de l'Inde en 50 ans survivent dans des conditions dramatiques, préviennent des travailleurs humanitaires, demandant aux autorités d'amplifier les secours.

«Nous avons atteint des régions où nous n'avions pas pu nous rendre jusqu'à présent et c'est extrêmement lugubre. Là-bas, les gens sont dans des conditions pitoyables», a témoigné Rajeev Ahluwalia, commandant d'une cellule de l'armée chargée de répondre aux catastrophes naturelles et créée après le tsunami du 26 décembre 2004 en Asie.

À cet égard, l'État du Bihar a réclamé une aide internationale de l'ampleur de celle débloquée au moment du tsunami. Pourtant, traditionnellement, l'Inde -habituée aux catastrophes naturelles, mais particulièrement attachée à sa souveraineté nationale- est extrêmement réticente à accepter toute assistance étrangère.

Mais les inondations au Bihar sont «la plus grande calamité nationale de l'histoire récente», ont reconnu le gouvernement fédéral et l'armée.

De fait, les intempéries ont fait plus de cent morts depuis la mi-août et touché de près ou loin trois millions d'Indiens. Un million sont toujours sans-abri, selon les Nations unies. Ils sont sûrement «cinq fois plus» d'après l'organisation Save the Children.

Les pluies torrentielles de la mousson qui se sont abattues sur cet État pauvre, à la frontière du Népal, ont fait déborder la rivière Kosi. Ce cours d'eau, surnommé «la rivière du chagrin», s'est déversée le 18 août dans le lit voisin d'un ancien fleuve asséché depuis des siècles, submergeant des centaines de villages à 150 km à l'est de la capitale régionale Patna.

Les sauveteurs, pour la plupart des militaires, ont secouru quelque 700.000 sinistrés, dont le tiers ont été envoyés dans des camps. Des centaines de milliers restent encore coupés du monde, au milieu des eaux stagnantes, sans rien à manger ni à boire.

Et tous ceux qui s'entassent dans des camps insalubres en Inde et dans le sud du Népal sont menacés par des épidémies de choléra ou d'encéphalite japonaise, ont averti des organisations humanitaires.

Aux miraculés qui se sont réfugiés sur un bout de terre au sec, «nous jetons (par avion) des vivres et des secours», a assuré le capitaine Jagdir S. Johar, de l'armée de l'air.

Cependant, malgré les efforts des autorités, bon nombre de survivants se plaignent de la lenteur et de la faible ampleur des opérations de secours.

«Le gouvernement doit absolument changer de braquet et décréter la mobilisation générale pour déployer ses secours», a lancé l'association ActionAid. «Il faut absolument accélérer les efforts pour entrer en contact avec les personnes isolées», a insisté l'ONG.

Car beaucoup de villageois sauvés racontent n'avoir pas vu le moindre canot de sauvetage pendant près de trois semaines, notamment dans le département dévasté de Chandpur Bhangaha.

«Toutes les fontaines d'eau potable ont été englouties et j'ai dû nager pour aller chercher de l'aide», témoigne Jawahar Yadav, un sexagénaire, attendant sur une berge d'être secouru, comme ses centaines de compagnons d'infortune.

Un rescapé, Murti Shah, se plaint aussi de n'avoir «rien avalé pendant cinq jours», sauf de l'eau boueuse. Un autre, Anil Kumar Bhaskar, ramené sur la terre ferme, pleure son oncle «accroché à un arbre» avant d'être «emporté par les courants» de la Kosi en crue.

Depuis juin, dans toute l'Inde, la mousson a tué plus de 800 personnes. En 2007, ces intempéries saisonnières avaient fait plus de 2200 morts et des dizaines de millions de sinistrés.