Mohamed Balhas travaillait au nettoyage d'un champ pollué par des sous-munitions (BASM) non explosées au Liban, quand une d'elles le blessa à la poitrine et à la jambe gauche, un incident qui inquiète l'agence onusienne chargée du déminage en manque de financement.

«J'ignorais ce qui m'avait touché. Soudain, je vis du sang couler de ma poitrine», raconte Mohamed Balhas, un démineur de 36 ans qui participe aux opérations de déminage dans le sud du Liban.

L'ONU craint une recrudescence de ces accidents faute de financement des opérations de déminage depuis la fin de la guerre entre Israël et le Hezbollah libanais en 2006.

Selon l'ONU, Israël a largué près d'un million de BASM sur le Liban pendant les 34 jours de guerre, 40% n'ayant pas explosé à l'impact, la plupart dans des villes et des champs du sud du pays.

Toutefois, plusieurs des 44 équipes de déminage pourraient bientôt cesser de fonctionner.

«La plupart devaient s'arrêter fin août, ce qui aurait réduit nos opérations de moitié», explique à l'AFP la porte-parole du Centre de coordination anti-mines de l'ONU (MACC), Dalya Farran.

Mais, une prolongation de quelques semaines a été possible grâce à des fonds versés par un autre programme de l'ONU et que nous devrons rembourser», souligne-t-elle.

Elle rappelle que 4,7 millions de dollars manquaient déjà au budget 2008.

«Nous devons absolument trouver rapidement des fonds. Nous sollicitons les pays donateurs, notamment du Golfe. Pour 2009 c'est une autre histoire, sans les fonds, toutes les équipes s'arrêteront», avertit-elle.

Les équipes travaillent conjointement avec l'armée libanaise et les forces de l'ONU, et emploient un millier de personnes, en majorité des Libanais.

Le travail est dangereux: 27 civils et 14 démineurs ont été tués, le dernier en date étant un Casque bleu belge tué mercredi. Aussi, 234 civils et 39 démineurs ont été blessés, selon le MACC.

Depuis 2006, 43% des zones contaminées ont été nettoyées, indique Mme Farran, selon qui l'ONU a recensé 1.058 sites.

Les démineurs, vêtus de combinaisons et de casques protecteurs, fouillent les sites minutieusement à l'aide de détecteurs de métal et marquent l'emplacement des sous-munitions découvertes. D'autres déterrent alors les engins pour les faire exploser.

Après avoir subi deux opérations pour lui ôter des éclats de sa poitrine, Mohamed Balhas peut reprendre son travail, mais il a peur.

«Bien sûr que j'ai peur, mais je dois le faire, nous devons manger», dit-il.

Réduire les opérations de déminage «accroîtrait les accidents. Nous avons constaté une augmentation dramatique» du taux d'accidents en 2005 suite à l'arrêt d'une des opérations, alerte Mme Farran.

Il reste aussi «300 000 mines antipersonnel le long de la Ligne bleue (la frontière avec Israël)» laissées par l'armée israélienne avant son retrait du Liban sud en 2000, affirme le maire de Tyr, Abdel Mohsen al-Husseini.

«Quelque 45 000 bombes à fragmentation ont été trouvées rien que dans un village, affirme le maire. De nombreuses bombes ont été larguées sur des terrains agricoles, poussant les agriculteurs à abandonner leurs champs».

«Nous allons sentir l'impact de ces bombes à fragmentation pendant encore 100 ou 200 ans», dit Yehya Balhas, fermier âgé de 43 ans.

Ces bombes disséminent sur des kilomètres des centaines de sous-munitions, dont une partie seulement explose à l'impact, les autres polluant le sol pendant plusieurs années.

Le problème du financement est doublé d'un «obstacle majeur»: le refus d'Israël de communiquer la localisation des sites en dépit des «demandes incessantes de l'ONU», affirme Mme Farran.

Tohmeh Tohmeh, 50 ans, venu visiter Mohamed Balhas, est lui-même victime d'une mine en 1996.

«J'ai été blessé de la tête aux pieds. J'ai été littéralement éventré et j'ai perdu la vue de l'oeil droit», raconte M. Tohmeh. Ils arrêtent les opérations, mais nous continuons à mourir»