La crise politique en Thaïlande a dégénéré hier en bagarres rangées entre partisans et opposants du gouvernement dans les rues de Bangkok qui ont fait un mort au moins et des dizaines de blessés.

Le premier ministre Samak Sundaravej, dont les opposants exigent la démission, a décrété l'état d'urgence depuis une base militaire, ses bureaux et ceux de son gouvernement dans la capitale étant assiégés depuis une semaine.

La crise s'est aggravée après l'échec du Parlement à trouver un compromis ce week-end. Le Comité d'état d'urgence est aux ordres du chef de l'armée, le général Anupong Paochinda et comprend le chef de police et des civils.

Le pays de 63,5 millions d'habitants du Sud-Est asiatique est ainsi sous contrôle militaire, mais Anupong a exclu tout coup d'État, comme Samak a écarté tout recours à la force pour disperser les manifestants.

La Thaïlande est donc bloquée et son économie en prend un coup avec une chute de 2 % à la Bourse hier et de 10 % des réservations touristiques pour la haute saison qui commence.

Deux élites s'affrontent

Le conflit remet en scène les démons non exorcisés du pays depuis la poussée de la démocratie civile dans les années 80 et la sanglante répression militaire qui fit 750 morts en 1992 après seulement deux jours de protestations.

La vie politique du royaume, monarchie constitutionnelle depuis 1932, a gravité depuis 2001 autour du multimillionnaire populiste Thaksin Shinawatra, réélu en 2005 mais accusé de corruption et chassé par un coup d'État en 2006.

Thaksin, ses collègues et son parti étaient bannis, mais ils renaissaient sous la forme du Parti du pouvoir populaire (PPP) de Samak, qui remportait le scrutin de 2007 et formait un gouvernement de coalition avec cinq autres partis.

Thaksin s'est exilé pour fuir les accusations de corruption pesant sur lui, mais, au sein de l'Alliance du peuple pour la démocratie (PAD), une opposition tout aussi hétéroclite que le PPP s'est rassemblée contre Samak.

C'est une coalition surtout extraparlementaire de royalistes, de nationalistes, de milieux d'affaires et de militants syndicaux. Des militaires se retrouvent dans les deux camps, les plus durs étant avec le PAD et les « modérés » avec Samak.

Le duo Samak-Thaksin

Les opposants reprochent à Samak ce qu'ils reprochaient à Thaksin : corruption et fraude électorale. Lourd revers pour Samak hier : la Commission électorale a jeté son poids du côté de l'opposition en demandant à la Cour constitutionnelle de dissoudre le PPP pour « achat de votes ».

La campagne du PAD contre le PPP fait rage depuis mai, attisée par le retour de Thaksin en Thaïlande en février. En juillet, la justice forçait la démission des ministres de la Santé et des Affaires étrangères, et du président de la Chambre basse du Parlement. Thaksin et son épouse fuyaient à nouveau le pays.

Autre coup dur pour Samak : la Confédération des employés de l'État, qui regroupe 43 syndicats et compte 200 000 membres, a appelé à une grève de soutien aux manifestations pour forcer la démission du premier ministre.

L'étau se resserre autour du gouvernement. Mais aucune solution réelle n'est en vue. De nouvelles élections risquent de porter au pouvoir un nouvel avatar du duo Thaksin-Samak. Et un coup d'État s'ajouterait à la vingtaine que le pays a connus depuis 1932 dans ce pays où le roi, régnant depuis 1946, a 81 ans, et où 20 millions de personnes (30 % de la population) vivent sous le seuil de pauvreté.

– Avec AFP, AP, Reuters, Xinhua, atimes.com, Economist, Bangkok Post