Travailler comme organisateur communautaire dans les quartiers les plus pauvres et les plus violents de Chicago, comme l'a fait Barack Obama dans les années 80, n'est pas de tout repos.

En janvier dernier, de passage dans la métropole du Midwest à l'occasion d'un reportage sur le parcours atypique du candidat démocrate, j'ai rencontré Jerry Kellman. C'est lui qui avait offert ce boulot à Obama. Il était convaincu, à l'époque, que son protégé prendrait rapidement ses jambes à son cou.

Mais le jeune Obama avait la couenne dure. Il a refusé de jeter l'éponge, m'a expliqué Kellman. «Il n'aime pas aller se battre dans les caniveaux mais, s'il n'a pas le choix, il va le faire.»

J'ai eu une pensée pour Kellman lors de la convention démocrate qui s'est terminée jeudi à Denver. Particulièrement durant le discours d'Obama. Après des semaines passées sur la défensive, le candidat démocrate a montré les dents.

«Vous savez, John McCain aime dire qu'il suivra ben Laden jusqu'aux portes de l'enfer, mais il n'ira même pas jusqu'à la grotte où il habite!» a lancé Obama. Il dévoilait pour une rare fois ses talents de guerrier.

Pas comme Paris

Le sénateur de l'Illinois a réfuté les calomnies des républicains une à une. Il a par exemple répliqué sèchement aux questionnements sur son patriotisme. «J'ai des nouvelles pour vous, John McCain. Nous plaçons tous notre pays en premier.»

Au parallèle dressé entre sa popularité et celle de célébrités comme Paris Hilton, il a opposé sa biographie. «Je ne sais pas quel genre de vie John McCain pense que les célébrités mènent, mais celle-ci a été la mienne.»

Il voulait écorcher son rival républicain, mais aussi rassurer les Américains qui se méfient encore de lui, le candidat noir au nom étrange et aux origines insolites. Il a donc parlé de sa mère, Blanche originaire du Kansas. Il a remonté le temps, allant jusqu'à faire référence à son grand-père maternel, qui a servi son pays lors de la Seconde Guerre mondiale.

Pendant ce temps, nous étions, dans le stade, noyés dans une mer de drapeaux américains. Ses stratèges espéraient sûrement que cette image vaudrait 1000 mots pour les téléspectateurs. Si ce fut le cas, une bonne partie du pays a été apaisée. Car 30 millions de téléspectateurs avaient les yeux rivés sur le petit écran ce soir-là, a-t-on appris hier. Du jamais vu.

Ridiculiser Obama

Ce n'était pourtant pas gagné d'avance pour Obama. À Denver, dimanche dernier, la grogne et l'anxiété étaient palpables chez les démocrates. En particulier en raison des irréductibles partisans (surtout des partisanes, en fait) d'Hillary Clinton.

Mais un congrès à succès a pris forme, discours après discours. Hillary s'est rangée, honorablement, derrière son ancien adversaire. Son mari, qui avait déversé son fiel lors de la course à l'investiture comme jamais auparavant, a cessé de jouer à l'enfant gâté. Il a pris sa place dans le train Obama et a prononcé un des meilleurs discours de sa carrière.

On n'apprend pas à un vieux singe à faire des grimaces Hier, McCain en a lui aussi fait la preuve. Environ 12 heures après la fin du congrès démocrate, il a éclipsé Obama en annonçant en grande pompe le nom de sa colistière.

Ce même McCain, entouré de ses collègues républicains, continuera de monopoliser l'attention des médias toute la semaine prochaine, à l'occasion du congrès de son parti. Les républicains tenteront de réduire à néant les gains faits par Obama au cours des derniers jours dans l'opinion publique. Ils voudront ridiculiser le candidat démocrate jusqu'à l'humiliation. Ça avait marché à merveille avec John Kerry en 2004. Il avait la fâcheuse habitude de tendre l'autre joue lorsqu'on le giflait.

Il restera ensuite deux mois à la campagne. Ce sprint final prendra la forme d'un combat de gladiateurs. Ce sera sanglant et sans pitié. Cela bénéficie habituellement aux républicains, mais la façon dont Obama et ses alliés viennent de montrer les dents laisse croire que les démocrates seront peut-être à la hauteur.