Sept ans après l'instauration d'un système d'exception pour détenir et juger les suspects de terrorisme, les États-Unis ont obtenu hier un premier verdict qui a donné des munitions tant aux défenseurs qu'aux détracteurs de la justice de Guantanamo.

Coiffé d'un turban et habillé d'une djellaba, l'ex-chauffeur d'Oussama ben Laden, Salim Ahmed Hamdan, a été reconnu coupable de «soutien matériel au terrorisme» par une commission militaire qui l'a cependant acquitté de l'accusation plus sérieuse de «complot».

Le verdict est survenu à l'issue du premier procès pour crimes de guerre organisé par les États-Unis depuis la Seconde Guerre mondiale. Le jury, composé de six militaires, a délibéré un peu plus de huit heures. Le verdict a suivi 10 jours de témoignages et de plaidoyers.

La Maison-Blanche s'est réjouie du procès d'Hamdan, y voyant le symbole d'une justice dont les Américains peuvent être fiers.

Procès contesté

«La Commission militaire est un processus équitable et adapté aux détenus soupçonnés d'avoir commis des crimes contre les États-Unis ou nos intérêts. Nous avons hâte que d'autres cas soient déférés devant ce tribunal», a déclaré le porte-parole de la Maison-Blanche, Tony Fratto.

Les avocats de Salim Hamdan ont, de leur côté, mis en cause «l'équité du système choisi par le gouvernement pour juger» leur client. Avant même l'ouverture du procès, ils avaient annoncé leur intention d'interjeter appel du jugement devant la Cour d'appel fédérale du District de Columbia, à Washington, et possiblement la Cour suprême des États-Unis.

Le procès de Salim Hamdan s'était ouvert le 21 juillet après plusieurs années de bataille juridique. Le Yéménite d'origine, âgé d'une quarantaine d'années, avait gagné une première manche en 2006, contestant devant la Cour suprême la légitimité des tribunaux militaires d'exception de Guantanamo. La plus haute juridiction américaine avait rendu une décision obligeant le Congrès à créer de nouvelles commissions militaires.

Né au début des années 70, Salim Hamdan a rencontré Oussama ben Laden en 1996 dans la ville afghane de Kandahar. Il était un modeste chauffeur de taxi dans le sud du Yémen lorsqu'il a été recruté pour participer à la «guerre sainte», selon Jonathan Mahler, auteur d'un livre sur l'histoire d'Hamdan.

Il a été capturé par des seigneurs de guerre afghans, fin novembre 2001, soit deux mois après les attentats du 11 septembre.

«À diverses occasions entre 1996 et novembre 2001, Hamdan a conduit ou accompagné Oussama ben Laden dans divers camps d'entraînement d'Al-Qaeda, des conférences de presse et des rencontres», précisait l'acte d'accusation d'Hamdan.

Nuremberg et Guantanamo

Au début du procès, les avocats du gouvernement ont établi un parallèle entre Nuremberg, site du procès intenté contre les principaux responsables du régime nazi, et Guantanamo, en diffusant un film retraçant les atrocités commises par Al-Qaeda. Les accusateurs des nazis avaient pour leur part présenté un film sur l'Holocauste.

Les avocats de la défense, qui ont dépeint Hamdan comme une figure mineure au sein d'Al-Qaeda, ont rappelé de leur côté que le chauffeur d'Adolf Hitler n'avait pas été poursuivi à Nuremberg.

Les jurés ont entendu plusieurs témoignages au cours du procès, dont ceux de 10 agents qui ont interrogé Hamdan sans l'informer que ses propos pourraient être retenus contre lui. L'accusé s'est pour sa part plaint d'avoir subi des mauvais traitements au cours de ses six années de détention à Guantanamo. L'administration Bush a reconnu que le Yéménite avait été réveillé toutes les heures pendant 50 jours en 2003.

L'Union américaine des libertés civiles a affirmé hier que le traitement d'Hamdan était «une trahison des valeurs américaines».

«Du début à la fin, ce fut une débâcle monumentale pour la justice américaine», a déclaré Anthony Romero, directeur du groupe.

Hamdan encourt la prison à vie.