Ce n'est pas tous les jours qu'un maire d'une grande ville américaine passe la nuit en prison. Or, pour Kwame Kilpatrick, le maire de Detroit, il n'y a pas grand-chose de normal depuis quelque temps.

Cet été, M. Kilpatrick a imposé son veto à une motion qui exigeait son congédiement. Le maire est aussi accusé d'avoir menti sous serment dans une affaire de renvoi illégal d'un inspecteur de police qui enquêtait sur lui. Son procès doit débuter cet automne.

«C'est la première fois qu'un maire est emprisonné pendant qu'il est en fonction, explique George Weeks, qui a été chroniqueur municipal pendant 22 ans pour le Detroit News. À Detroit, nous n'avons jamais rien vu de tel.»

Toute la classe politique du Michigan a appelé le maire à démissionner, hier.

«Ce qui arrive aujourd'hui devrait être la paille qui brise le dos du chameau, a dit le sénateur Tupac Hunter, un démocrate de Detroit. Je veux dire, quand même, qu'est-ce ça prend?»

C'est un rendez-vous à Windsor, en Ontario, le 23 juillet dernier, qui a mis le maire dans l'embarras. Selon la loi, le maire est tenu de ne pas quitter le territoire du Michigan avant son procès.

Hier, le juge Ronald Giles a annoncé à M. Kilpatrick qu'il devait traiter son dossier sans tenir compte de son rang ou de son emploi.

«Si ce n'était pas le maire de Detroit qui était devant moi, si c'était «John Six-Pack», qu'est-ce que je ferais? Je crois que la réponse est simple...»

Le maire hip-hop

Quand il est devenu maire de Detroit, en 2002, Kwame Kilpatrick, a dit ceci: «Je suis un fils de la ville de Detroit et tout ce qu'elle représente. Ce poste est beaucoup plus que de la politique pour moi. C'est personnel.»

À l'époque, le démocrate de 6 pieds 4 pouces, bâti comme un joueur de football professionnel, était surnommé le «maire hip-hop». À 31 ans, Kilpatrick était le plus jeune maire de Detroit, et l'un des plus jeunes d'une grande ville aux États-Unis.

Les choses se son rapidement gâtées pour M. Kilpatrick. En automne 2002, les médias ont rapporté que le maire avait organisé une fête privée à son manoir, et que des danseuses nues étaient présentes. La femme du maire serait arrivée sur les entrefaites, et aurait frappé l'une des danseuses, Tamara Greene.

Le maire a tout nié. Une enquête a été lancée. Peu après Tamara Greene a été tuée de 32 balles alors qu'elle était dans sa voiture. L'enquête sur sa mort a frappé un mur quand les deux inspecteurs responsables du dossier ont été réassignés à d'autres tâches, sans avertissement.

Dans une autre affaire, survenue en 2003, deux policiers ont dit avoir été congédiés parce qu'ils examinaient les agissements du maire. La cour leur a donné raison: ils ont obtenu 6,5 millions en dédommagement l'an dernier.

Le scandale le plus récent est celui des textos: cette année, le Detroit Free Press a obtenu copie de 14 000 messages-textes échangés entre le maire et sa chef de cabinet, Christine Beatty. Ces messages prouvent l'existence d'une idylle - que les deux avaient niée sous serment - et montrent qu'ils ont comploté pour faire renvoyer le chef de police de Detroit...

Malgré tout, le maire a toujours refusé de démissionner. «Toutes ses histoires sont des inventions des médias, et c'est inacceptable de voir autant de mensonges circuler à mon endroit, a-t-il dit récemment. Je suis ici pour me battre. Je suis ici pour rester.»