Le procureur de la Cour pénale internationale a demandé hier aux juges de la CPI de lancer un mandat d'arrêt pour « génocide » contre le président soudanais Omar al-Bachir, déclenchant un processus embarrassant pour certains, et qui pour d'autres menace la stabilité du Soudan et le processus de paix au Darfour.

Selon l'ONU, les combats entre forces gouvernementales et groupes rebelles au Darfour ont fait 300 000 morts et déplacé 2,2 millions de personnes depuis 2003. Khartoum parle de 10 000 morts.

Le Soudan, qui ne reconnaît pas la CPI, a dénoncé l'initiative du procureur Luis Moreno-Ocampo, d'origine argentine, qualifiant ses allégations de « fausses et mensongères », et dénonçant une « affaire politique ».

Sur fond de manifestations de soutien à al-Bachir, Khartoum s'est engagé à continuer de coopérer avec l'ONU sur la question.

« Nous sommes en contact avec les membres du Conseil de sécurité », a dit le vice-président Ali Osman Taha, en parlant des efforts de Khartoum pour bloquer tout mandat d'arrêt formel. Le conseil peut différer d'un an toute poursuite.

Délais à prévoir

La requête de Moreno-Ocampo sera mise en délibéré par trois juges de la CPI. Le procureur table sur une décision d'ici « deux à trois mois », le temps pour les juges d'accepter la demande, la rejeter ou demander plus d'éléments.

Approbations, réserves, inquiétudes : des réactions très diverses ont suivi la demande du procureur. Désapprouvée par la Communauté des États sahélo-sahariens (Cen-Sad) et le Conseil de coopération du Golfe (CCG), elle a reçu un soutien mesuré de l'Union européenne.

Les États-Unis, qui ne reconnaissent pas non plus la CPI mais qui insistent qu'un « génocide » a lieu au Darfour, ont appelé au calme.

La force mixte ONU-Union africaine au Darfour (MINUAD) a décidé d'évacuer son personnel non essentiel tout en conservant ses soldats sur place.

Anarchie redoutée

L'Union africaine (UA) et la Ligue arabe, dont le Soudan est membre, ont décidé de se réunir d'urgence. Mais la présidence de l'UA a mis en garde contre la possibilité « de coups d'État et d'une anarchie généralisée » au Soudan si la CPI inculpait le président al-Bachir.

« L'accusation ne tient pas compte des efforts du gouvernement, des puissances régionales et de la communauté internationale » pour la paix au Darfour, a affirmé le porte-parole du ministère soudanais des Affaires étrangères, Ali al-Sadiq.

Les accusations contre al-Bachir pourraient détruire les espoirs de paix au Soudan ou au contraire le pousser à des gestes de bonne volonté, ont estimé des analystes.

Pour Safwat Fanous, politologue à l'Université de Khartoum, la demande du procureur de la CPI est une tentative de « délégitimer, de déstabiliser, et même de détruire, l'État soudanais ».

La CPI a déjà lancé des mandats d'arrêt contre Ahmed Haroun, le ministre aux Affaires humanitaires, et Ali Kosheib, un chef de la milice pro-gouvernementale janjawid, que Bachir a refusé de remettre à la CPI.