Une série d'attentats suicide, de bombes routières et de combats rangés ont fait au moins 70 morts et 300 blessés hier en Irak.

Ce carnage a déferlé alors que le général David Petraeus, chef de l'armée américaine en Irak, confiait en interview à Bagdad que les forces de sécurité «contrôlent la plus grande partie du pays».

La veille, l'hebdo américain The Nation écrivait que «l'Irak est au bord de l'explosion». L'analyste Robert Dreyfuss citait «trois bombes à retardement» : la volonté des Kurdes de s'approprier Kirkuk, la rivalité interchiite entre Moqtada Al-Sadr et Abdel Aziz al-Hakim, et l'ambition des milices sunnites soutenues par les États-Unis de s'emparer de la province d'Al Anbar, dans l'ouest.

Bagdad, où des pèlerins chiites venaient commémorer l'assassinat d'un imam au VIIIe siècle, a été frappé par des bombes routières et trois attentats suicide. Le bilan était d'au moins 32 tués et 102 blessés. Selon l'armée, les kamikazes étaient des femmes.

La veille, au moins sept pèlerins ont été tués dans une embuscade à Madaïn, au sud de Bagdad.

Kirkuk : la poudrière

À Kirkuk, capitale pétrolière du nord, un attentat suicide a tué au moins 28 personnes et blessé 200 autres lors d'une manifestation kurde contre la loi sur les élections provinciales votée au Parlement mais bloquée par le président Jalal Talabani, un Kurde.

Kirkuk a été placé sous couvre-feu de 17 h à 7 h. Là aussi, la police a jugé que le kamikaze était une femme. Des milliers de Kurdes en colère ont ouvert le feu sur les bureaux d'un parti turkmène et mis le feu à plusieurs bâtiments.

Ces incidents suivent de deux jours de nouveaux raids de l'aviation turque contre des bases présumées du PKK au Kurdistan irakien.

«Aux États-Unis, le débat sur l'Irak continue d'être centré sur la sécurité, mais les problèmes irakiens sont politiques», estime le Center for American Progress, un groupe de réflexion animé par d'anciens de l'administration Clinton.

La loi, approuvée à 127 voix contre 13 lors d'un vote boycotté par les députés kurdes, prévoit pour Kirkuk 10 élus kurdes, 10 arabes, 10 turcomans et deux chrétiens. Son rejet par Talabani marque une cassure entre le président et le Parlement, avec des conséquences imprévisibles pour l'Irak.

La Constitution prévoyait pour fin 2007 un recensement et un référendum sur l'avenir de Kirkuk, mais rien n'a encore été fait. Les Kurdes, qui lorgnent aussi les provinces de Diyala, Salaheddine et Ninive, accusent les députés d'avoir prédéterminé dans la loi électorale l'équilibre ethnique de Kirkuk.

Élections et Jeux

Le parti de Sadr a soutenu la loi électorale, espérant prendre le contrôle de la province de Bassora, trésor pétrolier du Sud. Le rejet de la loi signifie un report des élections provinciales, avec d'autres conséquences imprévisibles.

À Mossoul, quatre soldats irakiens et quatre insurgés ont été tués hier dans des combats, deux civils ont été assassinés, et le corps d'une femme a été retrouvé. Un autre corps de femme a été repêché à Mussayab. Un milicien pro-américain a été tué à Latifiya, et une bombe routière a fait quatre morts à Baqouba.

Ces violences coïncident avec la fin du retrait de 28 500 GI envoyés en renfort début 2007. Les quartiers de Bagdad et d'autres villes ont été isolés les uns des autres sur une base ethnique, et emmurés. À Baqouba, le capitaine Kevin Ryan a admis le recours à des méthodes employées par les Français en Algérie.

Enfin, le Comité international olympique (CIO) a exclu l'Irak des Jeux de Pékin, estimant que l'abolition du Comité olympique irakien par le gouvernement Maliki était «de l'ingérence politique».

Avec AFP, AP, Reuters, Aswat Al-Iraq, Al Bawaba, The Nation

DU DÉJÀ-VU

Les attentats d'hier à Bagdad sont les plus meurtriers dans la capitale irakienne depuis le 17 juin, quand 63 personnes avaient péri dans le quartier de Hurriyah. À Kirkuk, il y a un peu plus d'un an, trois attentats massifs avaient fait au moins 80 morts le 16 juillet 2007.

Les États-Unis gardent l'espoir d'un accord sur une présence militaire à long terme en Irak après l'expiration du mandat de l'ONU fin 2008. Mais ils ont dû céder à la demande de Bagdad d'un calendrier de retrait de leurs troupes, bien que cela reste encore flou.

L'ambassade des États-Unis à Bagdad a augmenté par 10 l'émission de visas aux collaborateurs irakiens de l'occupation, ce qui semble indiquer la prochaine accentuation du retrait.

À Damas hier, le Comité des oulémas, principale association sunnite irakienne, a appelé les Irakiens à appuyer les forces hostiles à l'occupation de l'Irak.

CES FEMMES KAMIKAZES

Qu'est-ce qui peut motiver des femmes à devenir des kamikazes?

La question se pose à nouveau après la série d'attentats suicide perpétrés par quatre femmes hier à Bagdad et à Kirkuk. Depuis le début de l'année, pas moins de 26 femmes – presque toutes des Irakiennes – ont tenu le rôle de kamikazes dans des attentats.

Qu'est-ce qui les motive? La soif de vengeance, d'abord et avant tout. La plupart d'entre elles, selon les militaires américains, ont perdu des parents, des frères ou des enfants dans des combats. L'an dernier, par exemple, une femme est devenue kamikaze après avoir perdu ses cinq fils. Elle s'est fait sauter près d'un groupe de nouveaux policiers, tuant 45 personnes.

Les femmes sans éducation ou dans la misère sont également ciblées par les endoctrineurs extrémistes en Irak.