La demande de mandat d'arrêt lancée par le procureur de la CPI contre le président soudanais Omar el-Béchir a été bien accueillie par les organisations de défense des droits de l'homme, même si les analystes pensent qu'il pourrait échapper pendant des années à la justice.

Si la demande du procureur de la Cour pénale internationale (CPI) est qualifiée d'«historique» ou de «symbolique» par les défenseurs des droits de l'homme, «la probabilité qu'un mandat d'arrêt soit vraiment appliqué, au moins à court terme, est faible», selon l'International Crisis Group.

Il s'agit de la première demande d'arrestation d'un chef d'État en exercice devant la CPI. Le procureur Luis Moreno-Ocampo accuse le président soudanais de génocide - également une première -, crimes de guerre et contre l'humanité.

Les juges devraient mettre deux à trois mois pour évaluer sa requête, immédiatement rejetée par Khartoum, qui ne reconnaît pas la Cour et n'a pas effectué les arrestations de deux ministres exigées par le Conseil de sécurité de l'ONU à la demande du procureur.

Si le mandat d'arrêt est délivré, M. el-Béchir pourrait être arrêté dans un des 106 pays qui ont ratifié le Statut de la CPI, «mais une arrestation au Soudan est peu réaliste dans le futur proche. Et il pourrait être difficile pour certains pays parties à la CPI de l'arrêter à cause de leur accords bilatéraux avec le Soudan», estime le professeur de droit international de l'université d'Amsterdam Jann Kleffner.

D'autre part, la Cour ne dispose pas d'une force de police indépendante et est dépendante des États pour l'exécution de ses mandats d'arrêt.

Selon M. Moreno-Ocampo, sans coopération du Soudan, le Conseil de sécurité devra «analyser comment appliquer» son mandat, mais d'après M. Kleffner, il est improbable que le Russie et la Chine, qui y ont droit de veto, approuvent des mesures punitives contre le Soudan.

Un mandat d'arrêt à lui ne peut pas mettre fin de l'impunité lorsque des crimes de guerre sont commis, selon Heikelien Verrijn Stuart, spécialiste du droit international pour la radio publique néerlandaise, «mais c'est plus que purement symbolique, cela entravera sa liberté de mouvement et pèsera comme un blâme sur lui», ajoute-t-elle.

Pour Mariana Pena, de la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH), la demande du procureur «sera probablement évoquée comme un moment qui aura changé l'histoire de la CPI. Symboliquement c'est très important, mais nous espérons également un impact sur place».

Un éventuel mandat d'arrêt «serait un message fort : ceux qui commettent ces crimes seront poursuivis».

«Ne soyons pas naïfs, nous savons que ce n'est pas pour demain. Mais si un mandat d'arrêt est émis, el-Béchir sera un criminel recherché. Nous espérons que cela augmentera la pression sur el-Béchir et le gouvernement soudanais à prendre leurs obligations au sérieux», a déclaré Géraldine Mattioli, de Human Rights Watch.

Selon l'International Crisis Group, l'initiative du procureur présente de grandes opportunités et de grands risques pour le Darfour. «La pression accrue sur le gouvernement régnant pourrait mener mener aux mesures tant attendues pour cesser toute la violence», mais il y a également le risque que «les tenants de la ligne dure dans chaque camp en sortent plus forts».