Dix millions de plus pour la SODEC? La promesse électorale des libéraux, révélée mardi par Jean Charest, réjouit les producteurs et réalisateurs québécois. «On peut dire que le premier ministre actuel comprend très bien la situation cinématographique du Québec», se félicite Roger Frappier, producteur de Max Films.

«J'accueille ça avec beaucoup de bonheur. Ce que ces mesures montrent, principalement, c'est qu'un gouvernement qui a à coeur la culture favorise la manifestation de l'identité. C'est majeur, et d'autant plus agréable à accueillir qu'on a passé une campagne fédérale où le mot culture n'a jamais été prononcé, sinon pour être dénoncé», dit le réalisateur Charles Binamé (Maurice Richard, Le piège américain).

Mardi, Jean Charest a promis une hausse de 10 millions du budget annuel de la SODEC - soit près de 40 % de son budget - pour la production de longs métrages, ainsi que la bonification des crédits d'impôt pour les dépenses en main-d'oeuvre afin d'attirer au Québec les producteurs européens et américains.

«C'est fabuleux. C'est formidable: ça va permettre à l'industrie de faire face au manque chronique de financement. Il y a une augmentation de talent, de jeunes réalisateurs ou de réalisateurs plus établis qui ont des films à faire en continuité, dans un intervalle régulier», croit quant à elle la productrice Denise Robert.

Si les libéraux conservent le pouvoir et tiennent leur promesse, il s'agirait d'une deuxième rallonge de 10 millions en deux ans. En décembre 2006, le gouvernement avait débloqué 10 millions pour une aide d'urgence à la SODEC. «Le gouvernement fédéral n'avait pas répondu à l'appel», rappelle Roger Frappier.

Le fédéral, justement, inquiète le réalisateur Érik Canuel (Bon Cop, Bad Cop), qui calcule: «Le côté positif (de la promesse, ndlr), c'est injecter plus d'argent dans le cinéma. Le moins positif, c'est que les conservateurs seront confortés dans leur idée de donner moins. J'espère que ça ne va pas les pousser à couper plus.»

Érik Canuel avait dénoncé avec beaucoup de vigueur les compressions budgétaires dans les arts lors de la dernière campagne fédérale. Au téléphone hier, il nous a également confirmé ce qui était, d'après lui, «un secret de polichinelle»: il était bien l'auteur, avec François Avard, du clip vidéo Culture en péril.

Année record à la SODEC

Autre préoccupation: ces ressources supplémentaires ne suffiront pas à désengorger les investisseurs publics, sollicités par un nombre croissant de producteurs. «On a un problème chronique: ça devient impossible pour les créateurs, les maisons de production, les distributeurs, de faire un plan d'affaires quand vous avez (peu de chances) d'être reçus», déplore Lyse Lafontaine (Équinoxe Films).

Lors du dernier dépôt de projets, ce mois de novembre, la SODEC a reçu plus de 40 dossiers. Seuls six ou sept sont financés par dépôt. «C'est une année record, c'est une année fort chargée», admet la directrice des communications de la SODEC, Isabelle Mélançon.

«Il y a beaucoup plus de joueurs qu'avant», constate Charles Binamé. Plus de joueurs, moins de chances d'obtenir l'aval de la SODEC et de Téléfilm et donc plus de risques de tourner avec un budget revu à la baisse: «Les projets fonctionnent à mi-régime. La cinématographie n'est pas ce qu'elle devrait être (...) Il y a une réflexion à faire: ne devrait-on pas en mettre un peu plus sans faire plus de films? Je me pose la question», dit-il.

Enfin, l'ensemble des mesures promises cette semaine par Jean Charest sur la culture démontre, selon le producteur Pierre Even, «qu'au Parti libéral, on comprend l'importance de la culture comme moteur économique». «Ça donne un défi aux autres partis: qu'est-ce que le PQ, qu'est-ce que l'ADQ ont à dire? La barre est haute et c'est un véritable enjeu», estime-t-il.