Le directeur général de la Bourse Nasdaq, qui a dû suspendre pendant trois heures jeudi toute son activité, s'est dit vendredi «désolé» de l'incident sur la chaîne américaine CNBC et a assuré vouloir renforcer la prévention de tel épisode.

«Nous sommes vraiment désolés de ce qui s'est passé jeudi. Nous aspirons à la perfection, nous voulons être opérationnels 100 % du temps, nous y consacrons beaucoup de temps, d'effort et d'argent. Mais jeudi nous n'y sommes visiblement pas parvenu», a déclaré Bob Greifeld dans une entrevue à la chaîne financière.

En raison d'un problème technique, le courtage des actions a complètement cessé sur la plate-forme électronique d'environ 12 h 15 à 15 h 25 jeudi, paralysant l'indice composite Nasdaq, à dominante technologique, et des valeurs phare de la place new-yorkaise comme Apple ou Microsoft.

«Nous avons constaté un problème sur le flux de données qui consolide le courtage des 13 plates-formes d'échanges» avec lesquelles le Nasdaq travaille et permet de répercuter les offres de prix d'actions, a expliqué M. Greifeld.

«Les courtiers institutionnels avaient accès aux flux individuels, mais les petits investisseurs n'avaient pas accès aux mêmes informations. Nous avons suspendu (l'activité) pour cette raison», pour éviter «toute asymétrie», a-t-il ajouté.

Sans donner de précisions sur l'erreur qui a conduit à ce problème, M. Greifeld a insisté sur la «responsabilité» du Nasdaq «à mieux agir de façon préventive», imputant implicitement l'origine de l'incident à un acteur extérieur.

«Nous passons beaucoup de temps et d'efforts à imaginer des scénarios dans lesquels nous nous trouvons face à des situations qui ne sont pas de notre ressort et à voir comment y répondre», a-t-il ajouté. L'incident de jeudi «est un de ces scénarios.»

Le patron du Nasdaq estime par ailleurs que le groupe n'a pas à être tenu responsable de potentielles pertes: «Nous avons suspendu les échanges, donc personne n'a été avantagé ou désavantagé, tout le monde était sur un pied d'égalité».

Des investisseurs résignés face aux incidents techniques

Après le gel sans précédent de toute activité pendant trois heures à la Bourse du Nasdaq, Wall Street semblait résigné à l'idée de voir des incidents similaires se reproduire dans un marché financier de plus en plus automatisé.

«La technologie fait désormais partie intégrante de notre travail», souligne Art Hogan, responsable de stratégies d'investissements à Lazard Capital Market.

«On évolue dans un environnement où coexistent 13 plates-formes d'échanges et une quarantaine de dark pools», ces systèmes de négociation où les investisseurs passent des ordres dans l'anonymat, explique-t-il.

Les acteurs du marché «passent simultanément de multiples ordres, sur de multiples plates-formes, en une fraction de seconde. Cela requiert un niveau de technologies quasi-impossible à décrire», explique-t-il. «À un tel niveau de complexité, on ne peut que s'attendre à des défaillances technologiques.»

Jeudi après-midi, comme dans toutes les salles de marchés new-yorkaises, «on ne pouvait rien faire d'autre qu'attendre que cela passe, et c'était très frustrant», raconte M. Hogan.

Mais chaque nouvel incident est aussi selon lui «source d'enseignement». «Peut-être qu'à terme, cela permettra de développer des systèmes plus solides, moins sujets à des erreurs.»

Au lendemain de la suspension des cotations de toutes les actions en pleine séance, le directeur général du Nasdaq, Bob Greifield, tentait d'ailleurs vendredi de convaincre les acteurs du marché que son groupe s'engageait dans cette voie: «Nous passons beaucoup de temps et d'efforts à imaginer des scénarios dans lesquels nous nous trouvons face à des situations qui ne sont pas de notre ressort et à voir comment y répondre», a-t-il déclaré sur la chaîne d'informations CNBC.

IPO ratée, cyberattaque

Ce n'est pourtant pas la première fois que le Nasdaq fait face à des mésaventures technologiques.

La plate-forme a beaucoup été critiquée pour l'entrée en Bourse chaotique de Facebook en mai 2012 et a d'ailleurs acceptée en mai de payer 10 millions de dollars d'amende, la plus élevée jamais infligée à une plate-forme boursière.

Elle a également reconnu avoir fait l'objet d'une cyberattaque à l'automne 2010.

«Il faut être juste et reconnaître que le Nasdaq n'est pas la seule plateforme à avoir subi des revers technologiques», soulignent dans une note les analystes de Trefis.

Le marché électronique du New York Stock Exchange, Nyse Arca, «a largement été blâmée pour le krach éclair» de mai 2010 qui avait provoqué un plongeon de près de 10% de l'indice Dow Jones en quelques minutes à la Bourse de New York, et en 2012, la plate-forme électronique d'échange boursiers BATS «avait été forcée d'annuler sa propre introduction boursière après un bug informatique», rappellent-ils.

En avril dernier, un incident technique avait aussi forcé le Chicago Board Options Exchange (CBOE), la plus grosse plateforme d'échanges d'options aux États-Unis, à débuter le courtage de contrats très populaires sur les marchés américains, comme l'indice S&P 500 et l'indice VIX de la volatilité, avec plus de trois heures de retard.

«La multiplication de ces problèmes techniques est un mauvais présage pour le secteur financier dans son ensemble car ils sapent la confiance des investisseurs», avertissent les experts de Trefis.

L'interruption des cotations sur le Nasdaq intervenue jeudi reste quand même «un événement exceptionnel qui a pris tous les acteurs du marché par surprise», rappelle Gaston Ceron, analyste à Morningstar.

«Les investisseurs s'attendent légitimement à pouvoir compter sur un système qui fonctionne normalement et il est possible que certains d'entre eux, face à tous ces incidents, révisent à la baisse leurs attentes», remarque-t-il. «C'est un peu triste et pas vraiment bon pour les marchés américains car cela leur crée de la publicité négative.»