Les investisseurs qui avaient compris l'été dernier que la crise européenne ne connaîtrait pas de solution rapide ont pu réaliser un rendement de 25%.

En effet, alors que le principal indice de la bourse américaine, le S&P 500, gagnait 2,7% au cours des 12 derniers mois, l'indice des bourses européennes STOXX 50 perdait 21,7%.

En achetant le fonds négocié en Bourse qui calque le S&P 500 (SPY) et en vendant à découvert celui qui calque le STOXX 50 (FEU), l'investisseur réalisait un rendement de 25% en un an. La même position aurait généré un rendement de 13% en six mois si elle avait été établie en début d'année.

Le succès de cette stratégie dépendait uniquement de la performance relative du marché américain comparativement à celle du marché européen. Ces stratégies surnommées «long/short» consistent à parier sur un titre ou un indice contre un autre. Elles ne sont pas affectées par la direction des marchés, mais uniquement par l'ampleur du mouvement d'un titre versus l'autre.

Mais après un tel gain de la Bourse américaine comparativement au marché européen, peut-on maintenant envisager un retour du balancier?

À la Bourse, il faut acheter quand ça va mal, dit-on. Le temps ne serait-il pas venu alors de se tourner vers l'Europe alors que tout semble noir et que selon toute vraisemblance le sommet des 27 chefs d'État amorcé hier ne mènera nulle part?

Sous l'angle uniquement de l'arbitrage à court terme, faire l'inverse en allant long de l'indice européen et à découvert de l'indice américain pourrait être intéressant, explique Ismaël Chiadmi, directeur de l'analyse quantitative chez Montrusco Bolton.

«C'est l'équivalent de parier que le marché européen est suffisamment survendu et que conséquemment un rebond devient, sinon probable, du moins possible», dit-il.

De plus, dès qu'une bonne nouvelle émergera d'Europe, l'attention se transportera aux États-Unis où le problème de la dette n'a rien à envier à celui de l'Europe, croit M. Chiadmi

Beaucoup trop tôt

Mais pour la plupart des stratèges, il serait encore beaucoup trop tôt pour parier sur l'Europe. Autant sous l'angle de la valeur que de la conjoncture, c'est le marché américain qui offre encore le meilleur potentiel relatif, explique Sylvain Ratelle, stratège chez Valeurs mobilières Banque Laurentienne.

D'abord, la profitabilité des entreprises américaines est supérieure et va le demeurer entre autres parce qu'elles profitent d'un avantage sur le plan des coûts énergétiques.

De plus, la Réserve fédérale est beaucoup plus prompte à réagir que la Banque centrale européenne, ce qui assure un meilleur soutien de l'économie.

Mais aussi, la conjoncture est tellement en faveur du marché boursier américain qu'il s'avère très risqué d'aller à l'encontre, croit M. Ratelle. Pour évaluer ce phénomène, il utilise le ratio de l'indice STOXX 50 divisé par l'indice S&P 500. La courbe de ce ratio indique une tendance à la baisse qui ne montre aucun signe de retournement. Et tant que le ratio baisse, il faut privilégier le marché américain.

Il faudrait que le contexte change complètement en Europe pour modifier cette dynamique, et nous sommes bien loin de là, conclut le stratège de la Laurentienne.

Même perception à la Financière Banque Nationale. «Nous ne sommes pas du tout sûrs que le sommet européen en cours aura un quelconque impact positif», dit Marco Lettieri, économiste chez le courtier montréalais.

«Après plus de deux ans de tensions générées par les problèmes de dettes publiques en Grèce, au Portugal, en Irlande et en Espagne, on n'a toujours pas trouvé d'issue à la crise», ajoute-t-il.

Il faudra un déclencheur provenant d'Europe pour espérer un meilleur marché boursier outre-mer. Mais ce n'est pas pour demain, car on sous-estime encore l'ampleur de la récession en Europe, selon l'économiste.

Le consensus des économistes prévoit un recul de l'économie de la zone euro de 0,4% pour l'ensemble de l'année 2012.

Mais à la Financière on croit plutôt que la décroissance de l'économie européenne atteindra 1% durant cette période. Dans ce contexte, vaut mieux demeurer long du marché américain et à découvert du marché européen, suggère Marco Lettieri.