Nouveau record absolu des dépôts des banques auprès de la Banque centrale européenne, placement sans gloire d'une émission obligataire allemande: les investisseurs sont prudents en ce début d'année alors que la crise de la dette n'est toujours pas réglée.

Ce retour de la frilosité était visible en Bourse: toutes les places européennes étaient nettement dans le rouge vers 8h30 (heure de Montréal) mercredi, avec des baisses de 1,64% à Milan, 2,00% à Madrid, à 0,99% à Francfort, 099% à et 0,20% à Londres.

Les banques de la zone euro ont déposé 453,18 milliards d'euros auprès de la Banque centrale européenne (BCE) entre mardi et mercredi, soit un nouveau record absolu.

Bien que très faiblement rémunérés par la BCE, à 0,25%, ces dépôts au jour le jour ont battu des records ces dernières semaines, témoignant de profonds dysfonctionnements du marché du prêt interbancaire. Le précédent record absolu avait été franchi entre le 27 et le 28 décembre (452 milliards d'euros).

Le marché des liquidités fonctionne en circuit fermé: la BCE prête massivement et généreusement aux banques, comme elle l'a fait en décembre en allouant 489 milliards d'euros sur 3 ans à 1%, mais les instituts de crédit préfèrent toujours déposer leurs surplus de liquidités auprès d'elle plutôt que de se prêter entre eux ou à l'économie réelle.

Par ailleurs, les prêts d'urgence de la BCE sur 24 heures, dernier recours des banques peinant à se refinancer, se maintiennent également à des niveaux élevés: de mardi à mercredi ils ont représenté 15 milliards d'euros, non loin de leur plus haut niveau depuis juin 2009.

«On voit que la confiance entre les banques n'est pas encore de retour, et que le marché interbancaire ne fonctionne toujours pas», a constaté pour l'AFP l'économiste de HSBC Trinkaus Stefan Schilbe.

«En ce moment la plupart de l'argent (prêté par la BCE) revient, et ça ne va pas changer du jour au lendemain», a-t-il ajouté.

La crise persistante de la dette publique, la menace d'un abaissement général des notes souveraines en zone euro par les agences de notation financière, l'augmentation des besoins réglementaires des banques européennes en fonds propres et les inquiétudes sur la conjoncture en zone euro sont les principales causes de ce phénomène.

Cédric Tellier, économiste chez Natixis, a toutefois relativisé les dépôts record auprès de la BCE en rappelant que les banques les avaient multipliés en fin d'année pour des raisons de bouclage de bilan au 31 décembre, et que cet effet n'était que «progressivement en train de s'effacer».

Le fait que les banques retiennent leurs liquidités illustre toutefois également leur manque d'appétit pour les obligations souveraines de la zone euro. Or les Européens avaient espéré que cet appétit allait renaître grâce aux opérations de prêts massives de la BCE.

L'Allemagne a rassuré en plaçant avec succès mercredi une émission obligataire à 10 ans, mais l'opération n'a pas déchaîné l'enthousiasme: l'émission a attiré 5,14 milliards d'euros d'offres, à peine plus que son objectif de départ de 5 milliards d'euros.

Concrètement, la Bundesbank a placé directement 4 milliards d'euros et a mis 1 milliard d'euros en réserve pour les placer plus tard sur le marché secondaire, ce qui est une pratique courante de sa part.

«L'émission d'aujourd'hui n'était pas aussi mauvaise que celle de fin novembre, mais cela montre clairement que les opérateurs sont très prudents» y compris sur le segment de luxe du Bund à 10 ans, emprunt jugé extrêmement sûr, a déclaré Annalisa Piazza, économiste chez Newedge.

Fin novembre, une émisison du Bund avait été très largement boudée par le marché, l'Allemagne ne parvenant pas à lever autant de fonds que prévu.

La France va quant à elle essayer de lever jeudi entre 7 et 8 milliards d'euros à long terme.

Dans ce contexte tendu, les consultations entre chefs d'État européens vont reprendre dans les prochains jours: la chancelière allemande Angela Merkel va recevoir le président français Nicolas Sarkozy à Berlin le 9 janvier, puis le Premier ministre italien Mario Monti le 11 janvier.