Des profits en chute libre sur une base annuelle, mais néanmoins supérieurs aux attentes des analystes boursiers. Voilà tout ce qu'il fallait pour donner un deuxième souffle aux Bourses nord-américaines, dont les rendements devraient retourner dans les deux chiffres au cours de la prochaine année.  

Jean-René Ouellet insiste. Les résultats des entreprises inscrites à la Bourse de Toronto ne sont pas seulement mauvais. «Ils sont pitoyables», dit l'analyste principal au groupe conseil portefeuilles chez Valeurs mobilières Desjardins.

Depuis un an, les profits des entreprises formant l'indice de la Bourse de Toronto sont en baisse de 45%, une chute accentuée par les résultats des titres du secteur pétrolier. Pour l'indice américain S&P 500, la baisse des profits est de 33% par rapport à l'an dernier. Et pourtant, Valeurs mobilières Desjardins est optimiste comme jamais, prédisant des hausses de 14% au TSX et 12% au S&P 500 d'ici la fin de l'année.

Comment des profits en chute libre peuvent-ils inspirer la confiance des analystes boursiers comme Jean-René Ouellet? Ces mêmes profits sont plus importants que les prévisions des analystes boursiers. Aux États-Unis, 77% des 184 premières entreprises du S&P 500 ayant dévoilé leurs résultats du dernier trimestre ont surpassé les prévisions des analystes. Du jamais depuis le premier trimestre de 1994, alors que 74% des entreprises avaient surpassé les attentes des analystes. «En chiffres absolus, les résultats des entreprises sont pitoyables, mais le marché s'attendait à encore pire», dit Jean-René Ouellet, analyste boursier chez Valeurs mobilières Desjardins.

Certains stratèges boursiers apportent des bémols à ce nombre record de surprises. «La barre n'était pas très haute», dit Jack Ablin, chef des placements de Banque privée Harris, une banque du Midwest américain propriété de BMO Groupe Financier.

Au Canada, 21 des 27 premières entreprises qui ont dévoilé leurs résultats du dernier trimestre ont surpassé les attentes de Bay Street, selon une compilation de la Banque Nationale. «Une bonne partie de ces surprises reflètent des coupes dans les dépenses, que ce soit en salaires ou dans les budgets d'investissement, dit Stéfane Marion, économiste et stratège en chef de la Banque Nationale. Maintenant, il faut que les revenus soient au rendez-vous. La croissance des revenus sera vitale pour les entreprises en Bourse durant la deuxième moitié de l'année.»

Stéfane Marion a bon espoir de voir les revenus des entreprises augmenter durant les prochains trimestres. Assez en tout cas pour assurer une croissance de 9% au TSX d'ici un an. À la fin juin, le stratège boursier en chef de la Banque Nationale avait annoncé sa cible pour la TSX à 11 600. À l'époque, il s'agissait d'un gain annuel de 17%. Au cours du dernier mois, le TSX s'est déjà apprécié de 9%.

Des cours-bénéfices à la hausse

L'indice TSX se transige à 16,6 fois les profits de ses entreprises depuis le début de l'année. Sur la base des profits estimés en 2010, le cours-bénéfices du TSX tomberait à 13,1, un ratio historiquement très faible. La Banque Nationale estime que le ratio cours-bénéfices (la valeur d'une action par rapport aux profits) du TSX passera à 16 fois ses profits au cours de la prochaine année. «Les ratios cours-bénéfices s'améliorent toujours au cours d'une reprise économique», dit le stratège Stéfane Marion.

Valeurs mobilières Desjardins est encore plus optimiste, osant avancer un ratio cours-bénéfices de 19 fois les profits du TSX. «Ça peut paraître élevé, mais le TSX a 75% de son indice qui a toutes les raisons de connaître une croissance exceptionnelle, dit le l'analyste boursier Jean-René Ouellet. Les financières n'auront plus à amasser des charges exceptionnelles et la récupération de l'économie mondiale favorisera le pétrole et les matières premières.»

Le ratio cours-bénéfices de l'indice S&P 500, établi à 16,3 fois les profits de ses entreprises en 2009, risque aussi d'augmenter au cours des prochains trimestres. Si son cours-bénéfices parvient à atteindre sa moyenne des cinq dernières années, le S&P 500 s'appréciera de 26%, selon l'agence financière Bloomberg. D'autres analystes sont plus prudents. La Banque Nationale et Desjardins prévoient un rendement annuel de 11% à l'indice S&P 500, contre 12% pour BMO Groupe Financier. Le Banque Scotia prévoit un rendement de 16%, mais sur un an et demi.

Les analystes ne tablent pas seulement sur une hausse du cours-bénéfices des indices boursiers nord-américains. Les profits des entreprises devraient aussi augmenter. Surtout celles de la Bourse de Toronto, riche en titres du secteur des matières premières.

«C'est peut-être naïf, mais nous croyons qu'il y aura une reprise économique d'ici 12 à 18 mois et que cette reprise aura des implications importantes en Amérique du Nord, dit Paul Taylor, chef des placements de Banque privée Harris BMO à Toronto. La reprise économique sera graduelle mais signifiera un raffermissement du prix des matières premières.»

Comme en 1982

Pour l'analyste Jean-René Ouellet, le début de la reprise boursière a une impression de déjà-vu. «La courbe de la reprise boursière actuelle ressemble dangereusement à celle de 1982», dit l'analyste principal au groupe conseil portefeuilles de Valeurs mobilières Desjardins.

En 1982, les marchés boursiers canadiens s'étaient appréciés de 80% en un an. Cette fois-ci, Valeurs mobilières Desjardins prévoit une reprise boursière plus «modeste»: le TSX atteindrait le seuil des 12 200 points d'ici un an, une appréciation de 60% depuis le creux de 7566 points atteint le 9 mars dernier. Le TSX a déjà gagné plus de 3000 points. Reste un potentiel d'environ 1500 points, soit un rendement additionnel de 10%.

«Nous ne nous attendons pas à une reprise boursière aussi importante que celle de 1982, mais il y a de la place pour faire des gains additionnels, dit Jean-René Ouellet. Il y a encore beaucoup d'argent sur les lignes de côté. Beaucoup de gens n'ont pas réinvesti leur argent car ils se demandaient si le TSX retournerait à 7500. Or, les scénarios catastrophes semblent être écartés. Si la reprise boursière continue, elle coûtera cher à un investisseur qui reste sur les risques de côté.»