Bien que le retour des réfugiés soit présenté officiellement comme une « priorité absolue » par la Syrie et les pays arabes qui ont renoué récemment avec le régime de Bachar al-Assad, un mouvement d’envergure en ce sens n’a pratiquement aucune chance de se matérialiser dans un avenir rapproché.

Un nouveau sondage mené par les Nations unies indique qu’à peine 1 % des six millions de personnes ayant fui le pays depuis 2011 pour échapper à la guerre souhaitent y retourner d’ici 12 mois.

Près du quart des répondants disent vouloir rentrer en Syrie d’ici cinq ans et environ 60 % au total affirment vouloir le faire « un jour ».

Les réserves des réfugiés s’expliquent d’abord, selon les Nations unies, par leur perception de la situation en Syrie, qui est alimentée par des échanges avec des membres de la famille restés sur place et des comptes rendus médiatiques.

Des conditions difficiles

Le manque de sécurité, de logements, d’emplois potentiels et de services de base dans le pays, ravagé par des années d’affrontements sanglants, est évoqué.

Bien qu’ils excluent de rentrer pour l’heure, les réfugiés vivant dans plusieurs pays limitrophes de la Syrie se trouvent aux prises avec des conditions « extrêmement difficiles ».

Environ 90 % d’entre eux affirment ne pas disposer des revenus requis pour assurer les besoins élémentaires de leur famille, une situation exacerbée cette année par les répercussions de la guerre en Ukraine.

En Égypte, qui importe près de la totalité de son blé d’Ukraine et de Russie, les pressions inflationnistes découlant du conflit se sont fait durement sentir en affectant tout particulièrement les populations les plus défavorisées.

Près de 6,6 millions de Syriens se sont réfugiés à l’étranger depuis le début du conflit, dont 5,5 millions dans les pays limitrophes. La Turquie en accueille le plus grand nombre, suivie par le Liban, la Jordanie, l’Irak et l’Égypte.

Le plan d’intervention des Nations unies pour les soutenir n’a été financé qu’à 40 % en 2022, forçant les organisations humanitaires à faire des choix difficiles.

Steven Heydemann, spécialiste du Moyen-Orient au Smith College, au Massachusetts, note que certains pays arabes, comme la Jordanie, qui ont normalisé leurs relations avec Damas espéraient obtenir des engagements relativement au retour des réfugiés vivant sur leur territoire.

« Rien n’indique cependant que le régime syrien souhaite vraiment les voir revenir », relève l’analyste.

Un pays à reconstruire

Thomas Juneau, un autre analyste de la région rattaché à l’Université d’Ottawa, note que les réserves des réfugiés syriens face à un éventuel retour au pays sont tout à fait compréhensibles dans le contexte actuel.

L’économie syrienne est exsangue après des années de conflit, les infrastructures sont largement détruites et même l’accès à la nourriture s’avère difficile.

Les personnes qui décident de revenir au pays doivent par ailleurs composer avec les pressions du régime, qui les voit comme de possibles opposants, relève M. Heydemann.

« Il y a de multiples cas qui ont été rapportés de réfugiés arrêtés à leur retour en Syrie et torturés par les services de sécurité », souligne-t-il.

Les efforts de normalisation du régime syrien, qui a pu recouvrer sa place récemment au sein de la Ligue arabe, semblent peu susceptibles de favoriser la reconstruction du pays dans un avenir rapproché, même s’il s’agit sans doute d’un des objectifs du régime.

Il est clair que la reconstruction ne pourra se faire sans l’apport de pays riches. Mais le mieux qu’Assad peut espérer à ce stade est de financer une partie minime de tout ce que ça va coûter.

Thomas Juneau, analyste rattaché à l’Université d’Ottawa

M. Juneau note que certains des pays arabes qui pilotent la normalisation, dont l’Arabie saoudite, veulent favoriser la stabilisation de la Syrie tout en accroissant leur influence auprès du régime.

Ils n’avanceront pas de sommes conséquentes pour la reconstruction avant de voir des résultats sur ce plan, souligne-t-il.

La Russie et l’Iran, qui ont permis militairement à Bachar al-Assad de s’accrocher au pouvoir, n’ont pas l’argent pour financer la reconstruction, ajoute le chercheur.

PHOTO AGENCE DE PRESSE SAOUDITE, ARCHIVES REUTERS

Le président de la Syrie, Bachar al-Assad

Quant aux pays occidentaux, ils veulent éviter toute association avec un régime accusé d’avoir perpétré de nombreux crimes de guerre.

Washington envisage d’élargir ses sanctions

Les États-Unis, qui ont critiqué la normalisation entreprise par les pays arabes tout en indiquant qu’ils ne l’empêcheraient pas, demeurent trop conciliants aux yeux de certains élus du Congrès.

Le Comité des affaires étrangères de la Chambre des représentants a approuvé il y a quelques semaines un projet de loi qui pourrait élargir la portée des sanctions contre la Syrie aux tierces parties soutenant le régime sur le plan financier.

L’objectif, relève M. Heydemann, est notamment de faire pression sur l’administration pour qu’elle agisse plus énergiquement envers des pays arabes alliés qui seraient tentés de passer outre à ces restrictions.

« Il y a encore beaucoup d’étapes législatives à franchir, mais le but est manifestement de décourager toute initiative de ce type », note-t-il.

En savoir plus
  • 14 millions
    Nombre de Syriens qui ont été forcés d’abandonner leur foyer en raison du conflit. Plus de 7 millions sont des déplacés internes.