(Nations unies) Le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté mardi une résolution prévoyant un prolongement de six mois, jusqu’au 10 janvier, du mécanisme d’aide transfrontalière à la Syrie, une durée imposée par la Russie alors que tous ses partenaires voulaient un an.

Le texte a été adopté par 12 voix sur 15, celles de la Russie, de la Chine et des dix membres non permanents du Conseil de sécurité. Les États-Unis, le Royaume-Uni et la France se sont abstenus pour marquer leur désaccord avec une durée qu’ils jugent insuffisante pour planifier correctement l’acheminement de l’aide.

« La Russie a forcé la main de tout le monde : soit le dispositif était fermé, soit il était prolongé de six mois » et « on ne pouvait pas laisser des gens mourir », avait résumé auprès de l’AFP un ambassadeur réclamant l’anonymat lors de l’accord de principe survenu lundi entre les 15 membres du Conseil de sécurité sur une nouvelle prolongation.

Pour être adopté, un texte doit recueillir au moins neuf voix sur quinze sans vote négatif d’un des cinq membres permanents du Conseil de sécurité (États-Unis, France, Royaume-Uni, Russie, Chine).

La résolution prévoit la reprise par l’ONU de l’utilisation du point de passage de Bab al-Hawa, à la frontière entre la Syrie et la Turquie, qui n’était plus accessible aux Nations unies depuis dimanche soir après l’expiration de l’autorisation onusienne.

« Le mécanisme transfrontalier est essentiel pour les gens » dans le nord-ouest de la Syrie, « c’est une question de vie et de mort pour nombre d’entre eux », a relevé le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, devant quelques journalistes. « Nous avions demandé une prolongation d’un an » et « nous avons un grand espoir que ces six mois… seront renouvelés », a-t-il ajouté.

Créé en 2014, le mécanisme transfrontalier permet d’acheminer de l’aide humanitaire, sans autorisation de Damas, à plus de 2,4 millions de personnes dans la région d’Idlib (nord-ouest) qui demeure sous contrôle de groupes djihadistes et des rebelles.

Le texte adopté, porté par l’Irlande et la Norvège, intègre la possibilité d’une nouvelle extension du dispositif en janvier 2023 pour six mois, sous réserve de l’adoption d’une nouvelle résolution, comme l’avait proposé la semaine dernière la Russie.

Tant l’Irlande que la Norvège se sont dites « soulagées » mardi que le mécanisme transfrontalier puisse continuer à fonctionner.

« Réhabilitation rapide »

« Il est scandaleux que la Russie ait une fois de plus réussi à faire chanter les membres du Conseil, cette fois en réduisant la période de renouvellement à six mois afin que l’autorisation expire au milieu de l’hiver », a dénoncé pour sa part dans un communiqué l’ONG Human Rights Watch. L’ONG Oxfam a aussi fait part de sa « profonde déception ».

Vendredi, Moscou avait mis son veto à une prolongation pour un an du mécanisme, sous une forme quasi automatique de « six mois “six mois », comme l’ONU en avait décidé il y a un an. En juillet 2021, la prolongation avait recueilli l’unanimité du Conseil de sécurité.  

La résolution demande aussi au plus tard le 10 décembre un rapport spécial au chef de l’ONU sur les besoins humanitaires et exige un exposé tous les deux mois sur l’application du dispositif et de celui qui permet l’acheminement d’une aide humanitaire à partir de Damas au travers des lignes de front.

La Russie considère que le mécanisme transfrontalier viole la souveraineté de Damas et veut privilégier depuis longtemps l’aide humanitaire à travers les lignes de front à partir de la capitale syrienne. L’ONU considère avoir besoin jusqu’à présent des deux dispositifs pour répondre aux besoins des Syriens.

La résolution réclame par ailleurs d’accentuer les efforts humanitaires dans les domaines de l’eau, d’assainissement, de la santé, de l’éducation, de l’électricité, ainsi que pour des « projets de réhabilitation rapide » en matière d’abris.

Les Occidentaux, qui se refusaient jusqu’à présent à soutenir tout début de reconstruction en Syrie tant qu’aucune réforme politique n’était entreprise, semblent avoir assoupli leur position sur ce sujet crucial pour Moscou, qui n’a pas les moyens de financer des pans entiers de l’économie syrienne détruite depuis le début de la guerre en 2011.

Autre concession faite à la Russie, la résolution encourage un dialogue interactif informel du Conseil de sécurité tous les deux mois avec des donateurs, les parties régionales concernées et les organisations humanitaires sur notamment ces « projets de réhabilitation rapide ».