(Ankara) Ankara a appelé jeudi soir le Conseil de l’Europe à s’abstenir de toute « ingérence » dans ses affaires judiciaires, selon un communiqué du ministère des Affaires étrangères, alors que la Turquie est menacée d’une sanction rare pour la détention sans jugement du mécène Osman Kavala.

Le comité ministériel du Conseil de l’Europe, réuni à Strasbourg (France) depuis mardi, doit se prononcer vendredi sur une possible procédure d’infraction contre Ankara qui a refusé, la semaine dernière, de libérer le philanthrope Osman Kavala.

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Le philantrope Osman Kavala, emprisonné sans jugement depuis 2017, lors d’une allocution dans un centre culturel d’Istanbul, à une date indéterminée.

Homme d’affaires prospère et mécène âgé de 64 ans, devenu la bête noire du régime, M. Kavala est emprisonné depuis quatre ans sans jugement, accusé notamment par le régime du président Recep Tayyip Erdogan d’avoir cherché à le renverser.

Lisez la chronique de Laura-Julie Perreault sur Osman Kavala

« Par respect pour le processus judiciaire en cours, nous invitons le Conseil de l’Europe à éviter de prendre une décision qui constituerait une ingérence dans la justice indépendante », écrit le ministère turc.

Selon lui, l’organisme a adopté une « démarche incohérente en insistant pour maintenir la décision sur Kavala à l’ordre du jour ».

« Cela nuit d’abord au Conseil de l’Europe lui-même que les mécanismes existants […] soient utilisés contre certains pays sur la base de préoccupations politiques, non selon une entente légale et équitable », a insisté le ministère.

C’est la première fois qu’Ankara fait publiquement mention de cette menace du Conseil de l’Europe.

Pour avoir réclamé la libération de M. Kavala le mois dernier, dix ambassadeurs occidentaux, dont celui des États-Unis, de la France et de l’Allemagne, ont été menacés d’expulsion par M. Erdogan qui les a accusés d’interférer dans « la justice indépendante de la Turquie » et s’est ravisé in extremis.

Lors de la dernière audience, le 26 novembre, le tribunal d’Istanbul a décidé de maintenir M. Kavala en détention jusqu’au 17 janvier au moins, malgré les mises en garde du Conseil qui avait exigé sa libération.

La procédure d’infraction n’a été utilisée qu’une seule fois par le passé, en 2017 contre l’Azerbaïdjan qui avait refusé de se plier à une décision similaire du Conseil de l’Europe.

Osman Kavala est notamment en ligne de mire pour avoir soutenu en 2013 les manifestations antigouvernementales ayant visé M. Erdogan, alors premier ministre.

Acquitté une première fois en février 2020, il avait été dès le lendemain placé en garde à vue puis réincarcéré, accusé d’avoir « soutenu » la tentative de putsch contre M. Erdogan en juillet 2016.

En décembre 2019, la Cour européenne des droits de l’homme avait ordonné sa « libération immédiate », sans résultat.

Une prochaine audience a été fixée au 17 janvier devant le tribunal d’Istanbul.