Nos journalistes de la section internationale répondent à vos questions. Aujourd’hui : la guerre en Ukraine.

Des obus canadiens

La compagnie General Dynamics est capable de produire les obus d’artillerie 155 mm dans ses usines au Québec. Qu’est-ce qui empêche le gouvernement canadien de passer une (grosse) commande d’obus pour aider l’Ukraine dans sa lutte pour survivre ?

Peter Solonysznyj

Les besoins de l’Ukraine en obus de 155 mm sont estimés à 2 millions d’unités… par année de guerre. « La quantité requise est absolument étourdissante », réagit Dominique Arel, titulaire de la Chaire d’études ukrainiennes à l’Université d’Ottawa. Depuis avril 2022, le Canada en a livré une fraction, soit 40 000. De ce chiffre, 20 000 ont d’abord été fournis au Canada par les États-Unis et le reste provenait des stocks de l’armée canadienne, selon le site web du gouvernement. Pour donner une nouvelle commande à une usine et augmenter la production, il faut des investissements, souligne M. Arel. « Si le Canada prend la décision d’investir dans le militaire, il faut faire des choix budgétaires, alors qu’il y a d’autres crises [qui demandent aussi du financement] », ajoute-t-il.

Soldats en renfort

PHOTO ARCHIVES REUTERS

Des soldats se déplacent sur une route près de la ligne de front, dans la région de Zaporijjia, dans le sud de l’Ukraine.

Même si l’Ukraine ne fait pas partie de l’OTAN, ne serait-il pas temps de lui envoyer des soldats en renfort ?

Josette Leroux

« La réponse facile est que les pays de l’OTAN ne veulent pas entrer dans une guerre directe avec la Russie, et qu’ils n’ont aucune obligation de défendre l’Ukraine, qui ne fait pas partie de l’alliance », indique Maria Popova, professeure agrégée au département de science politique de l’Université McGill. Le Canada participe à la formation de militaires ukrainiens, comme il le faisait déjà depuis 2015, mais ne combat pas en Ukraine. Prendre part à une guerre est avant tout une décision politique, tout comme l’envoi de matériel militaire. « C’est le cas en Europe comme au Canada : il y a plus de discussions que d’actions », note Mme Popova.

Risques en Arctique

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Un lecteur s’interroge sur les visées expansionnistes de la Russie en Arctique.

En tenant compte du fait qu’il existe déjà un différend entre le Canada et la Russie en ce qui concerne la propriété des fonds marins en Arctique, que la flotte de brise-glaces russe est beaucoup plus importante et puissante que celle du Canada et avec la possibilité du retour de Donald Trump à la présidence, quel est le risque que les ambitions russes se tournent vers l’Arctique ?

Luc Desmarais

Les premiers ministres des trois territoires du Canada ont fait part de leur inquiétude après le début de l’invasion russe à grande échelle en Ukraine, craignant une politique expansionniste jusqu’en Arctique, comme l’avaient révélé des documents obtenus par La Presse. « La première réalité qui se dessine de plus en plus clairement, c’est qu’on va avoir une frontière commune [accessible] avec la Russie, à cause des changements climatiques, dit M. Arel. La deuxième réalité, qu’on n’a pas vue venir, c’est l’instabilité politique américaine qui semble être là pour rester. » Aspirant à la présidence des États-Unis, Donald Trump a affirmé qu’il laisserait la Russie envahir les pays de l’OTAN qui ne paient pas leur part, une affirmation troublante pour un allié comme le Canada – qui ne consacre pas les 2 % convenus de son PIB à des dépenses militaires.

Diplomatie et négociations

PHOTO CHARLY TRIBALLEAU, AGENCE FRANCE-PRESSE

Le Conseil de sécurité de l’ONU a tenu une rencontre sur la guerre que mène la Russie en Ukraine, le 23 février.

Comment les pays occidentaux qui financent la guerre en Ukraine peuvent-ils faire pour entrer en négociations de paix avec la Russie ? Une bonne question de diplomatie.

Samir Djaoued

C’est une question qui revient souvent : la Russie et l’Ukraine peuvent-elles arriver à un compromis ? Les experts sont pessimistes dans le contexte actuel. La Russie s’était déjà engagée, en 1994, à respecter l’indépendance de l’Ukraine en échange du retrait de l’arme atomique sur le territoire. Même si l’Ukraine acceptait de céder des régions à la Russie pour mettre fin à la guerre, il n’y aurait pas de réelle garantie que les armes seraient déposées pour de bon, estime M. Arel. Les pays occidentaux seraient, en outre, plutôt mal placés pour négocier avec la Russie. La Turquie a tenté de jouer ce rôle en mars 2022. Un accord pour l’échange de prisonniers s’est conclu sous l’égide des Émirats arabes unis, en janvier dernier.

Dans la tête de Poutine

PHOTO ALEXANDER KAZAKOV, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Vladimir Poutine, président de la Russie, le 22 février dernier

Je sais qu’il est difficile – voire impossible – d’être dans la tête de Poutine, mais j’aimerais comprendre : quel est son objectif ultime ?

Marleen Provençal

« Vladimir Poutine a dit à de nombreuses reprises que l’Ukraine fait historiquement partie de la Russie – que ça veuille dire la conquérir et l’annexer à la Russie à proprement parler ou installer un gouvernement de pacotille, en gardant le pays officiellement indépendant, mais contrôlé par la Russie », explique Mme Popova. Sa vision pourrait s’étendre à d’autres pays de l’ex-Union soviétique, avance-t-elle. Ses décisions sont cependant plus calculées qu’elles ne le semblent. « Au début, on craignait que la Russie ait des “lignes rouges” à ne pas franchir, parce que Poutine faisait des menaces nucléaires, dit Mme Popova. Deux ans plus tard, on sait que la Russie n’est pas un acteur irrationnel et ne va pas faire escalader le conflit dans une confrontation nucléaire. » Elle en veut pour preuve le retrait des troupes russes là où les Ukrainiens ont réussi à reprendre le dessus.

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