(Oslo) Trois pièces privatives, autant de perruches, une Xbox : le procès intenté à l’État norvégien par le meurtrier Anders Behring Breivik qui se plaint d’être « traité comme une bête » met en lumière des conditions de détention à faire pâlir d’envie bien des prisonniers dans le monde.

Depuis mars 2022, Breivik purge sa peine dans le quartier de très haute sécurité de la prison de Ringerike, au bord du lac qui baigne l’île d’Utøya où il a abattu 69 personnes, des adolescents pour la plupart, le 22 juillet 2011. Un peu plus tôt, il avait fait exploser une bombe à Oslo, faisant huit autres victimes.

L’extrémiste de droite de 44 ans dispose de trois pièces individuelles – une cellule de vie, une d’études et une de gym – à l’étage supérieur et à l’étage inférieur qu’il partage (jamais en même temps) avec un autre détenu, d’une cuisine, d’un salon de télévision avec console de jeu, d’une salle à manger et d’une pièce pour les visites.  

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La chambre d’Anders Behring Breivik

« Breivik est particulièrement bien traité » à l’intérieur du cadre permis par les considérations sécuritaires, a souligné mercredi le directeur de la prison, Eirik Bergstedt.

Si le décor est dépouillé, les pièces sont bien équipées avec plusieurs appareils de musculation dans la cellule de gym ainsi qu’un grand écran plat, plusieurs fauteuils pour jouer à la Xbox avec des gardiens et des affiches de la tour Eiffel dans la salle de télévision.

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La salle de gym d’Anders Behring Breivik

Malgré cette débauche de moyens, Breivik, condamné en 2012 à une peine de 21 ans de prison extensible indéfiniment, poursuit de nouveau l’État norvégien en justice cette semaine pour protester contre son régime carcéral.

Les autorités cherchent à « me pousser au suicide », a-t-il affirmé, éploré, mardi.

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Anders Behring Breivik

Bien que l’extrémiste soit coutumier des facéties – dans une lettre à l’AFP en 2014, il avait menacé d’entamer une grève de la faim en prison s’il n’obtenait pas, entre autres, une PlayStation 3 plutôt qu’une PS2 –, ce ne sont pas les conditions matérielles de sa détention qu’il critique.

Maintenu depuis environ 12 ans à l’écart des autres prisonniers, il reproche à l’État de violer deux articles de la Convention européenne des droits de l’Homme, l’un qui interdit les peines « inhumaines » ou « dégradantes », l’autre qui garantit un droit à la correspondance.    

Un « donjon »…

« Ils ont construit un donjon autour de moi » pour « m’emmurer », s’est plaint Breivik mardi.

« Je ne suis pas un hamster, j’ai besoin de vraies relations » humaines, a-t-il dit.

Son isolement n’est que relatif : outre ses contacts avec les gardiens avec qui il peut jouer aux cartes, cuisiner ou déjeuner, Breivik est autorisé à voir régulièrement un pasteur, un physiothérapeute, un psychiatre ou encore une visiteuse de la Croix-Rouge avec un chien qu’il peut caresser.

Il a lui-même mis fin à ses contacts avec un visiteur désigné par les autorités, mais peut, une heure par semaine, rencontrer un autre détenu, lui aussi trié sur le volet – mais les candidats sont rares, selon les autorités carcérales –, avec qui il peut faire des gaufres, par exemple.

Mais personne, selon lui, avec qui il pourrait développer une relation vraiment personnelle.

Généralement, ces rencontres ont lieu autour d’une table, qu’il appelle « la table de Poutine », plusieurs gardiens étant, pour des raisons de sécurité, assis entre les deux prisonniers.

… ou un « palace » ?

En plus d’activités variées (basketball, promenades, bibliothèque…), les autorités lui ont confié trois perruches pour combler son souhait d’avoir un animal de compagnie.

« J’avais demandé un chien, une chèvre ou un cochon nain avec qui on peut nouer des contacts empathiques, qui peuvent être une bonne solution de substitution pour des personnes en isolement », a commenté Breivik.

« Mais des perruches, c’est mieux que rien ».

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Les perruches d’Anders Behring Breivik

De gros mammifères, « ce n’est pas très pratique dans un quartier de haute sécurité », a rétorqué un avocat de l’État, Kristoffer Nerland. « Et puis, les autorités vétérinaires y trouveraient peut-être à redire ».

Sur la toile, des internautes persiflent sur ces conditions de détention comparées à « un hôtel » ou « un palace ». « D’autres prennent des gardiens de prison en otage pour pouvoir avoir une pizza », a réagi un Suédois sur X.

« Le système norvégien est comme il est, mais en tant que maman dont il a tué la fille, c’est dur de le voir se plaindre avec son bel appartement », a commenté auprès de l’AFP Lisbeth Kristine Røyneland, mère de Synne, fauchée à 18 ans sur Utøya.

« Mais au moins, il est derrière les barreaux et il ne ressortira jamais ».