L’« énergie » et l’« engagement » : c’est avec ces mots que le président français, Emmanuel Macron, a souligné mardi la nomination de Gabriel Attal, devenu à 34 ans le plus jeune premier ministre de la République. Mais qui est ce politicien à l’ascension fulgurante ? Le point en quatre questions.

Quelles sont les positions de Gabriel Attal ?

Peu après son élection en 2017, un article du Monde décrivait déjà Gabriel Attal comme un des « snipers de la Macronie », de jeunes élus ambitieux prêts à monter au créneau dans les médias. Le jeune homme s’était joint au mouvement d’Emmanuel Macron, En marche !, peu après son lancement en 2016.

M. Attal a occupé les fonctions de porte-parole, de ministre du Budget et de ministre de l’Éducation nationale.

Applaudi par les uns, critiqué par les autres, il s’est retrouvé au cœur d’un débat un mois après sa nomination à l’Éducation, l’été dernier, en annonçant l’interdiction de l’abaya dans les écoles, considérant ce manteau ample porté par des femmes musulmanes comme un signe ostensiblement religieux. Si Gabriel Attal est issu des rangs socialistes, il s’est néanmoins attiré les foudres de la gauche française à plusieurs reprises, notamment en dénonçant la « grévi-culture » à la suite de débrayages et en défendant un projet de loi controversé sur l’immigration.

« C’est quelqu’un qui vient de la gauche, mais c’est une gauche ‟pragmatique”, une gauche qui a accepté le système capitaliste sans grand problème, une gauche sociale-démocrate, que certains diraient sociale-libérale », explique au téléphone Jean-Pierre Beaud, professeur titulaire au département de science politique de l’Université du Québec à Montréal.

Gabriel Attal est aussi le premier chef du gouvernement français ouvertement homosexuel et partage sa vie avec Stéphane Séjourné, ex-conseiller politique d’Emmanuel Macron.

Pourquoi a-t-il été choisi ?

Alors que les rumeurs d’un remaniement ministériel allaient bon train, la première ministre Élisabeth Borne a démissionné lundi du poste qu’elle occupait depuis 20 mois. Le président français a opté pour son élu le plus populaire pour la remplacer : Gabriel Attal était la personnalité politique préférée des Français en décembre, selon le baromètre Ipsos-Le Point.

PHOTO EMMANUEL DUNAND, AGENCE FRANCE-PRESSE

Élisabeth Borne et Gabriel Attal

« Il a réussi à grimper dans les sondages assez rapidement, il est passé à travers divers ministères, souligne M. Beaud. Tout le monde s’accorde à dire qu’il a voulu faire beaucoup de choses – il ne les a peut-être pas faites, mais le côté audacieux, novateur, jeune, je pense que c’est le message qu’Emmanuel Macron veut faire passer. Il espère rompre avec une période difficile. »

Une période marquée par l’adoption, le mois dernier, d’une loi controversée sur l’immigration, vue comme une « victoire idéologique » par l’extrême droite. Le parti d’Emmanuel Macron ne disposant pas de la majorité absolue à l’Assemblée nationale, des modifications ont été apportées au projet de loi pour rallier des élus de droite, provoquant une crise.

Quels défis attendent le nouveau premier ministre ?

Les élections européennes auront lieu en juin. Comme premier ministre, Gabriel Attal se retrouve au premier plan de cette campagne. Le Rassemblement national (RN) est en tête des sondages, avec son jeune président, Jordan Bardella, âgé de 28 ans. « C’est un jeune dynamique aussi, un peu l’équivalent de Gabriel Attal, qui a le vent dans les voiles et qui représente beaucoup plus l’avenir du Rassemblement national que Marine Le Pen », estime M. Beaud, qui s’attend à ce que M. Attal soit un « bon débatteur » face à M. Bardella durant la campagne.

Si M. Macron a vanté l’« énergie » et l’« engagement » de son nouveau premier ministre dans un message sur X, M. Attal devra lui aussi composer avec la difficile réalité de l’absence d’une majorité absolue à l’Assemblée nationale, comme sa prédécesseure.

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Emmanuel Macron, président de la France

Le président de la République terminera son second mandat en 2027 et ne pourra donc pas se représenter. Dans la même lignée politique, Gabriel Attal pourrait tenter de lui succéder. Mais d’autres ministres pourraient aussi en profiter pour se démarquer – le rôle de premier ministre pouvant être particulièrement ingrat.

Comment sa nomination a-t-elle été reçue ?

Contrairement à sa prédécesseure, issue de l’administration et au long parcours, M. Attal est avant tout un politicien. « C’est un vrai politicien, comme les Français les aiment ou les détestent », note M. Beaud. Il attire particulièrement les électeurs plus âgés, séduits par l’idée de briser les vieux moules de la politique.

Si son ambition ouverte et son dynamisme plaisent à une partie de la société, d’autres ont soulevé des questions sur son investissement. Du côté des syndicats d’enseignants, on s’est notamment interrogé sur son passage éclair à l’Éducation, se demandant s’il ne répondait pas à des aspirations personnelles plutôt qu’à une réelle volonté de changer les choses.

Du côté de l’opposition, la nomination n’a pas été bien accueillie. « Les Français ne peuvent rien espérer » d’Attal, a dit la cheffe des députés du RN, Marine Le Pen. Le leader de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, a quant à lui commenté qu’Attal « retrouve son poste de porte-parole » et que « le monarque présidentiel gouverne seul avec sa cour ».

Avec l’Agence France-Presse et Le Monde