(La Haye) Le message anti-UE et xénophobe de Geert Wilders, parfois comparé à l’ex-président américain Donald Trump pour sa rhétorique populiste et ses cheveux peroxydés, bien qu’il soit en politique depuis beaucoup plus longtemps, a fini par le propulser au premier rang, selon les sondages à la sortie des urnes après les législatives néerlandaises mercredi.  

N’hésitant pas à traiter les Marocains de « racailles » ni à proposer des concours de caricatures du prophète Mahomet, M. Wilders, 60 ans, a bâti sa carrière sur sa croisade contre ce qu’il nomme une « invasion islamique » de l’Occident.  

Ni les démêlés avec la justice néerlandaise – qui l’a reconnu coupable d’insultes à des Marocains – ni les menaces de mort à son encontre – qui le placent sous protection policière depuis 2004 – ne l’ont découragé.  

« Je ne regrette pas de m’être battu pour la liberté », a déclaré M. Wilders lors d’un entretien à la veille des élections de 2021.  

« Bien sûr, je prends position, je suis attaqué, mon pays est attaqué ».

M. Wilders participait à sa sixième élection, après avoir failli à provoquer la surprise à plusieurs reprises.

Mais après avoir tenté de lisser une partie de sa rhétorique populiste en se concentrant sur d’autres préoccupations des électeurs, il a fini par dépasser les attentes.  

Il y a « des problèmes plus importants que la lutte contre le flot de demandeurs d’asile et d’immigrants », a-t-il déclaré lors de l’un des derniers débats électoraux, ajoutant qu’il était prêt à mettre de côté ses opinions sur l’islam pour gouverner.

Si l’immigration est restée un sujet clé de la compagne, les Néerlandais s’inquiètent encore plus de « savoir s’il leur reste encore plus d’argent dans leur portefeuille », a-t-il déclaré.

Il a promis se concentrer davantage sur « la sécurité et les soins de santé » que sur son opposition à l’islam.  

« Buffets gratuits »

Pourtant, le manifeste de son PVV (Parti de la Liberté) a conservé le ton xénophobe, devenu sa marque de fabrique.  

« Les demandeurs d’asile se régalent de délicieux buffets gratuits à bord des bateaux de croisière tandis que les familles néerlandaises doivent réduire leurs courses », peut-on lire dans le manifeste.  

Les mesures anti-immigration proposées comprennent le rétablissement du contrôle aux frontières néerlandaises, la détention et l’expulsion des immigrants illégaux, le retour des demandeurs d’asile syriens et la réintroduction des permis de travail pour les travailleurs intra-UE.

Quant à l’islam, le manifeste du PVV dit : « Les Pays-Bas ne sont pas un pays islamique. Pas d’écoles, de Corans et de mosquées islamiques ».  

Il propose d’interdire le port du foulard dans les bâtiments gouvernementaux. En matière de politique étrangère, et une approche « les Pays-Bas d’abord » qui comprend la fermeture de sa représentation à Ramallah et le renforcement des liens avec Israël, notamment le déplacement de son ambassade à Jérusalem.  

Un « référendum contraignant » sur un « Nexit » – la sortie des Pays-Bas de l’UE – figure également dans le programme, ainsi qu’un « arrêt immédiat » de l’aide au développement.  

« La colère, pas la peur »

Né en 1963 à Venlo, près de la frontière allemande, M. Wilders a grandi dans une famille catholique avec son frère et ses deux sœurs.  

Sa mère était à moitié indonésienne, un fait qu’il mentionne rarement.  

Il a développé un intérêt pour la politique dans les années 1980, a déclaré son frère aîné au magazine allemand Der Spiegel.  

« Il n’était ni clairement de gauche ni de droite à l’époque, ni xénophobe. Mais il était fasciné par le jeu politique, la lutte pour le pouvoir et l’influence », a raconté Paul Wilders.  

Sa haine de l’islam semble s’être développée lentement. Il a passé du temps en Israël dans un kibboutz, témoin direct des tensions avec les Palestiniens. Il a également été choqué par les assassinats du leader d’extrême droite Pim Fortuyn en 2002 et du cinéaste radical anti-islam Theo van Gogh en 2004.  

Personnage isolé

Il a juré de ne pas se laisser réduire au silence, bien qu’il ait été reconnu coupable d’insultes à des citoyens maroco-néerlandais, un procès très médiatisé qui a renforcé sa visibilité quelques mois seulement après le Brexit.  

M. Wilders est entré en politique en 1998 au sein du parti libéral VVD, qu’il quitte en 2006 pour fonder son PVV.

Sa plus grande victoire électorale jusqu’à aujourd’hui remontait à 2010, lorsqu’il avait remporté 24 sièges. En 2017, il devient le deuxième parti au Parlement, puis le troisième en 2021.

Passé maître dans l’art d’utiliser les médias en les accusant de partialité, adoré ou détesté, il divise un pays qui se targue d’une longue tradition de tolérance multiculturelle.

Certains voient Geert Wilders comme une figure isolée. Il est marié à une Hongroise, mais ils n’ont pas d’enfants, et sa sécurité limite ses contacts avec le monde extérieur.  

Mais, surfant sur le désaveu des Néerlandais envers leurs responsables politiques, M. Wilders a réussi à pousser le discours politique aux Pays-Bas encore plus à droite.