(Grindavík) Après leur évacuation, les quelque 4000 habitants de Grindavik, ville du sud-ouest de l’Islande menacée par une éruption volcanique, se demandent s’ils pourront un jour revenir chez eux.

« Ma mère m’a dit qu’elle ne voulait plus jamais y remettre les pieds », a confié à l’AFP Eythor Reynisson, qui est né et a grandi dans cette ville portuaire.

Le 11 novembre, aux aurores, le pittoresque village, situé à 40 km de Reykjavik, la capitale, a été évacué par précaution après des centaines de séismes provoqués par le déplacement du magma sous la croûte terrestre-signe précurseur d’une éruption volcanique.  

Des milliers de petits séismes ont depuis continué à secouer la zone.  

Chaussée éventrée par d’énormes crevasses, immeubles fissurés… L’endroit aux allures de carte postale est désormais sens dessus dessous.

PHOTO MARKO DJURICA, REUTERS

Un membre de l’équipe de recherche et de sauvetage saute par-dessus la fissure d’une route dans la ville de Grindavik, le 15 novembre.

Les dégâts sont réparables en quelques mois mais la reprise de l’activité volcanique soulève la question de l’avenir de cette zone : est-elle vraiment habitable ?

« Même si la pression du magma s’arrête, il y a un problème, est-il judicieux de vivre dans une ville comme celle-ci ? », s’interroge Freysteinn Sigmundsson, géophysicien à l’université d’Islande.

La péninsule de Reykjanes avait été épargnée par les éruptions pendant huit siècles, jusqu’en mars 2021. Depuis, il y en a eu deux autres, en août 2022 et juillet 2023.

Signe, pour les volcanologues, d’une reprise de l’activité volcanique dans la région.

« Communauté forte »

Malgré ces conditions difficiles, la convivialité et la résilience sont au rendez-vous dans les files d’attente pour entrer dans le village, constate un journaliste de l’AFP sur place. Les habitants s’étreignent, rient ensemble.

« Je suis très ému », lâche Johannes Johannesson, habitant de Grindavik.

Une « période difficile faite d’incertitudes » se profile pour la ville, constate M. Sigmundsson qui prévoit que d’autres éruptions pourraient se produire « au cours des prochaines années ».  

Face à cette situation précaire, les habitants se demandent si cela vaut le coup de reconstruire leur maison.

« Il est possible que l’activité [actuelle] se déplace vers une autre région. À ce moment-là, il serait acceptable de retourner à Grindavik », avance le chercheur.

Pour d’autres, il faut faire avec, car l’Islande est un territoire volcanique avec les risques que cela implique.

« Notre communauté est forte, il est possible de la reconstruire », estime pour sa part Eythor Reynisson.  

Trente-deux systèmes volcaniques sont considérés comme actifs dans ce pays de feu et de glace, région la plus volcanique d’Europe.  

Mais l’évacuation d’une ville est un évènement rare, relèvent les spécialistes.

La dernière remonte à 1973, lors de l’éruption sur l’île de Heimaey, au large de la côte sud de l’Islande.

À Grindavik, les infrastructures ont été sévèrement endommagées. De la vapeur s’échappe de conduites d’eau chaude éclatées et le réseau électrique ne fonctionne qu’une fois sur deux.

Les résidants ont été relogés dans des hôtels, chez leurs amis ou leur famille et même dans des hébergements d’urgence, en attendant un retour à la normale.

Depuis l’évacuation de la ville, les autorités ont organisé quelques retours express pour leur permettre de récupérer des objets qui leur tiennent à cœur comme des albums photos, des meubles ou des vêtements.

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Un policier contrôle des résidants de Grindavik qui attendent pour accéder à leur maison, le 16 novembre.

Ces opérations se déroulent dans la plus grande prudence. Mardi, le village a dû soudainement être vidé après que les niveaux de dioxyde de soufre indiquaient que le magma se rapprochait de la surface.  

« C’était la panique », se souvient M. Reynisson.

Le pays nordique est sur la braise depuis près d’une semaine, se préparant à une éruption volcanique à tout moment.

Et le risque ne fait qu’augmenter.

« Routine pour la famille »

« Il y a un nouveau flux de magma dans cette fissure, et elle s’élargit », relève le géophysicien Sigmundsson. Les centaines de tremblements de terre qui ont secoué Grindavik ont été provoqués par une accumulation massive de magma dans une fissure longue de 15 kilomètres et située entre 2 à 5 km sous terre.  

Tant que ce flux se poursuit, la probabilité d’une éruption reste élevée.

« Nous devons nous préparer à une éruption qui pourrait se produire aujourd’hui ou dans la semaine à venir, voire dans un mois », ajoute le chercheur.

L’endroit le plus probable pour une éruption « se situe au nord de la ville de Grindavik ».

Une situation synonyme d’anxiété pour les habitants, qui vont rester dans le flou pendant encore plusieurs semaines.  

Maintenant, il s’agit « d’essayer de gérer », explique Johannes Johannesson. « Essayer de trouver une routine pour la famille et aller de l’avant ».