(Londres) Les Russes ont commémoré dimanche les victimes du terrorisme d’État soviétique, tandis que le gouvernement russe poursuit sa répression de la dissidence dans le pays.

L’évènement « Le retour des noms » a été organisé par l’association de défense des droits de l’homme Memorial, lauréate du prix Nobel de la paix.

La commémoration a traditionnellement lieu à Moscou le 29 octobre – la veille du jour du Souvenir des victimes de la répression politique en Russie – au mémorial de la pierre Solovetski dédié aux victimes de la répression de l’ère soviétique, et se concentre sur la lecture des noms des personnes tuées pendant la Grande Terreur de Joseph Staline à la fin des années 1930.

Depuis 2020, les autorités de Moscou refusent d’accorder une autorisation pour la manifestation. Cela serait dû à la « situation épidémiologique » et à l’interdiction d’organiser des évènements publics, même si les partisans de Memorial estiment que ce refus est politiquement motivé.

Memorial lui-même a reçu l’ordre de fermer ses portes par les autorités de Moscou en novembre 2021. Bien qu’il ait été fermé en tant qu’entité juridique en Russie, le groupe opère toujours dans d’autres pays et a poursuivi certaines de ses activités en faveur des droits de la personne en Russie.

Au lieu d’une manifestation, dimanche, les Moscovites et plusieurs ambassadeurs occidentaux ont déposé des fleurs sur la pierre Solovetski. L’évènement discret s’est déroulé sous le regard vigilant de la police.

Memorial a également organisé une retransmission en direct de la lecture des noms des victimes, depuis Moscou et d’autres villes russes, ainsi que depuis l’étranger.

L’évènement « Le retour des noms » intervient alors que les procureurs russes demandent une peine de trois ans de prison contre le militant des droits de la personne et coprésident du Mémorial Oleg Orlov.

M. Orlov a été condamné à une amende d’environ 1500 dollars américains au début du mois et reconnu coupable de « discréditer » publiquement l’armée russe après une publication sur Facebook dans laquelle il dénonçait l’invasion de l’Ukraine, dernière étape d’une répression implacable contre les militants, les journalistes indépendants et les personnalités de l’opposition.

Memorial a déclaré vendredi que les procureurs de l’État avaient fait appel de la sentence, la qualifiant d’« excessivement clémente ».

« Il est évident qu’Orlov a besoin d’être isolé de la société pour se corriger », a déclaré le procureur, cité par Memorial.

Une loi adoptée peu après le lancement par le Kremlin de son invasion à grande échelle de l’Ukraine a fait de ce « discrédit » public une infraction pénale s’il est commis à plusieurs reprises dans l’année. Orlov a été condamné à deux amendes pour avoir manifesté contre la guerre avant de faire face à des accusations criminelles.

Memorial, l’une des organisations russes de défense des droits les plus anciennes et les plus renommées, a reçu le prix Nobel de la paix 2022 aux côtés du militant biélorusse emprisonné Ales Bialiatski et du Centre pour les libertés civiles, une organisation ukrainienne.

Memorial a été fondée en Union soviétique en 1987 pour garantir que l’on se souvienne des victimes de la répression du Parti communiste. Il a continué à rassembler des informations sur les violations des droits de la personne et à suivre le sort des prisonniers politiques en Russie, alors qu’il était confronté à la répression du Kremlin ces dernières années.

Le groupe a été déclaré « agent étranger », une désignation qui entraîne un contrôle supplémentaire du gouvernement et comporte de fortes connotations péjoratives. Au fil des années, Memorial a été condamnée à payer des amendes massives pour des violations présumées de la loi sur les « agents étrangers ».

La Cour suprême de Russie a ordonné sa fermeture en décembre 2021, une décision qui a suscité un tollé dans le pays et à l’étranger.

Memorial et ses partisans ont qualifié le procès contre Orlov de politiquement motivé. Son équipe de défense comprenait Dmitri Muratov, rédacteur en chef du journal indépendant Novaya Gazeta et lauréat du prix Nobel de la paix en 2021.