Après sa disgrâce, l’ancien premier ministre de Slovaquie Robert Fico prépare son retour. Mauvaise nouvelle pour l’Ukraine…

  • Nom : Robert Fico
  • Âge : 58 ans
  • Fonction : Chef du parti Direction-Social Democracy (Smer-SD), possible prochain premier ministre de Slovaquie
  • Mots-clés : Populisme, Pro-Russie, Résurrection

Pourquoi on en parle

Cet ancien premier ministre (2006-2010 et 2012-2018) pourrait reprendre le pouvoir aux élections législatives anticipées du 30 septembre en Slovaquie. Les sondages lui donnent 22 % des voix, ce qui est techniquement suffisant pour former un gouvernement.

Le contexte

Petit pays de 5,4 millions d’habitants, la Slovaquie est l’un des 27 membres de l’Union européenne (UE). Jusqu’ici, le gouvernement pro-occidental a démontré un soutien fort à son voisin ukrainien dans sa lutte contre l’invasion russe. Il a été le premier membre de l’OTAN à livrer des avions de combat à Kyiv (des MiG-29 de conception soviétique) et a accueilli quelque 92 000 réfugiés ukrainiens sur son territoire. Cette politique étrangère pourrait toutefois changer radicalement sous Robert Fico.

Sa plateforme

Ouvertement prorusse, Fico affirme que « la guerre en Ukraine a commencé en 2014 lorsque les fascistes ukrainiens ont tué des victimes civiles de nationalité russe », reprenant ainsi le discours officiel du Kremlin. Il s’engage ainsi à « cesser immédiatement toute livraison d’aide militaire à l’Ukraine », s’oppose à la candidature de Kyiv à l’OTAN et dénonce les sanctions de l’UE à l’encontre de la Russie. « C’est un peu comme Donald Trump qui promet de lancer l’Ukraine sous un autobus, résume Maria Popova, professeure de science politique à l’Université McGill et coautrice du livre Russia and Ukraine. Selon lui, l’Ukraine doit négocier immédiatement afin d’arrêter la guerre. »

Mouton noir de l’UE

Par ses positions, Fico se rapproche un peu du premier ministre de Hongrie, Viktor Orbán, considéré comme le mouton noir de l’Union européenne, en raison de ses politiques divergentes. Cette seconde dissidence pourrait compliquer des décisions à Bruxelles, estime Maria Popova. « Si plus de pays adoptent cette position prorusse, cela peut créer une désunion au sein de l’Union européenne. C’est préoccupant. »

Son passé

Populiste de gauche, Robert Fico ne sort pas de nulle part. Il a été premier ministre de Slovaquie entre 2006 et 2010 puis de 2012 à 2018, avant d’être évincé par les manifestations antigouvernementales qui ont éclaté après l’assassinat du journaliste enquêteur Ján Kuciak et de sa fiancée. Kuciak enquêtait sur les liens troubles entre des hommes d’affaires, des hommes politiques et d’autres hauts fonctionnaires. Fico et son ancien ministre de l’Intérieur, Róbert Kaliňák, ont été inculpés l’an dernier pour formation de groupe criminel organisé.

Et pourtant

Son spectaculaire retour s’explique. Fico est expérimenté, charismatique, éloquent. Il profite des dissensions chez ses adversaires (d’où ces élections anticipées). Il surfe surtout sur la propagande russe, qui séduit une partie de l’électorat slovaque. « Les gens veulent que ça se termine. Que les réfugiés rentrent à la maison. Il y a une fatigue de la guerre », résume Mme Popova. Selon le groupe de réflexion Globsec, la Slovaquie serait l’un des pays les plus prorusses de l’UE. « Le taux de personnes interrogées qui estiment que la Russie est responsable de la guerre en Ukraine n’est que de 40 % », contre 85 % en Pologne et 71 % en République tchèque, peut-on lire dans son rapport de 2023.

Pas décisif

Rien n’est encore acquis pour le favori. Selon un sondage publié jeudi dans le quotidien slovaque Sme, le parti libéral Slovaquie progressiste de Michal Simecka (actuel vice-président du Parlement européen) le suit de près avec 18 % des voix. Le parti de gauche Hlas-SD de l’ancien allié de M. Fico, Peter Pellegrini, est troisième avec 14 %. M. Fico n’a pas exclu la possibilité d’une coalition avec le parti d’extrême droite République, en quatrième place, avec 8 %. Dans ce paysage politique fragmenté, la victoire de Fico ne pourra pas être « décisive », conclut Mme Popova. « Il n’aura pas la stabilité d’un Orbán, qui a consolidé son régime. Il pourra peut-être former un gouvernement, mais il sera fragile… »

Avec l’Agence France-Presse