(Washington et Bratislava) L’Ukraine « mérite d’intégrer l’OTAN », a jugé vendredi le président turc Recep Tayyip Erdogan à l’issue d’une rencontre à Istanbul avec son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky.

Kyiv souhaite intégrer l’Alliance atlantique mais les États-Unis ont prévenu vendredi que l’Ukraine « ne rejoindra pas l’OTAN » à l’issue du sommet de l’Alliance prévu mardi et mercredi à Vilnius.

Le chef de l’État turc, qui a annoncé la visite du président russe Vladimir Poutine « le mois prochain », a par ailleurs estimé que la Russie et l’Ukraine « devraient retourner aux pourparlers de paix ».

M. Erdogan, qui s’exprimait au côté du président Zelensky, a également souhaité que l’accord sur l’exportation des céréales ukrainiennes, conclu en juillet 2022 avec le parrainage des Nations unies et de la Turquie, soit prolongé.

« Nous espérons que l’accord sera prolongé », a déclaré M. Erdogan, alors que la Russie a déclaré ne voir aucune raison de le prolonger à son expiration le 17 juillet.

Nouvelle aide des États-Unis

Les États-Unis ont annoncé vendredi une nouvelle aide militaire en soutien à l’Ukraine face à la Russie dont des armes à sous-munitions, franchissant un nouveau seuil dans le type d’armements fournis à Kyiv.

Le conseiller à la Sécurité nationale de la Maison-Blanche, Jake Sullivan, a assuré que les Ukrainiens avaient fourni des garanties « par écrit » sur l’usage qu’ils feraient de ces armes pour minimiser « les risques posés aux civils ».

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Le conseiller à la Sécurité nationale de la Maison-Blanche, Jake Sullivan

« Cela a été une décision très difficile pour moi », a déclaré le président Biden selon des extraits diffusés vendredi d’une interview accordée à la chaîne CNN, en précisant en avoir discuté au préalable avec les pays alliés et le Congrès américain.

« C’est une guerre de munitions. Et [les Ukrainiens] sont à court de munitions et nos stocks s’épuisent », a-t-il encore remarqué.

« Cela n’a pas été une décision facile », a-t-il poursuivi, en relevant que nombre de pays interdisent l’utilisation et la production des armes à sous-munitions dans le cadre de la Convention d’Oslo de 2008. Ni les États-Unis ni l’Ukraine ne sont signataires de cette convention.

« Cela m’a pris du temps avant d’être convaincu de le faire », a encore dit le président américain. « Le principal est que soit ils disposent de ces armes pour stopper maintenant les Russes […] soit ils ne les ont pas. Et je pense qu’ils en ont besoin ».

Cette annonce intervient dans le cadre d’un nouveau paquet d’aide militaire à l’Ukraine d’un montant de 800 millions de dollars et qui porte le total de l’aide militaire américaine depuis le début de la guerre en février 2022 à plus de 41 milliards de dollars.

Outre les armes à sous-munitions, les États-Unis vont fournir des véhicules blindés, des munitions d’artillerie, des armes anti-chars et autres équipements.

Ces armes dites à sous-munitions dispersent ou libèrent des petites charges explosives conçues pour exploser avant l’impact, à l’impact ou après l’impact. Selon le type d’arme utilisé, le nombre de sous-munitions dispersées ou libérées peut aller de quelques dizaines à plus de 600.

M. Sullivan s’est longuement justifié sur cette décision, dénoncée par les ONG, arguant que « l’artillerie est au cœur de ce conflit » et que la Russie a recours à ce type d’armes depuis le début de la guerre.

M. Sullivan a par ailleurs indiqué que l’Ukraine ne « rejoin[drait] pas l’OTAN » à l’issue du sommet de Vilnius, prévu la semaine prochaine, même si cette question sera évoquée lors de l’évènement.

Kyiv « a encore de nombreuses étapes à franchir avant de pouvoir devenir membre » de l’Alliance atlantique, a-t-il précisé.

Cette question figurera au centre du sommet dans la capitale lituanienne où les dirigeants de l’OTAN devraient cependant réaffirmer leur intention d’intégrer à terme l’Ukraine dans l’Alliance. La formulation exacte de cet engagement, qui répond à de fortes attentes de Kyiv, fait l’objet d’intenses tractations.

La Maison-Blanche a par ailleurs dit s’attendre à une adhésion de la Suède à l’OTAN « dans un proche avenir ».

Le conseiller à la Sécurité nationale a jugé « possible » que la Turquie et la Hongrie, qui bloquent pour le moment l’adhésion de Stockholm, changent leur position la semaine prochaine au sommet de l’Alliance, précisant que même si ce n’était pas le cas, Washington estimait « que cela arrivera [it] dans un proche avenir ».

Armes nécessaires

M. Zelensky était dans la matinée à Prague, où il a de nouveau pressé les Occidentaux de lui livrer des armes de longue portée dont l’absence ralentit selon lui la contre-offensive ukrainienne en cours depuis un mois, indiquant que ces livraisons ne dépendaient que du feu vert des États-Unis.  

Le premier ministre tchèque Petr Fiala a de son côté annoncé que son pays enverrait à Kyiv des hélicoptères de combat et formerait des pilotes ukrainiens sur des chasseurs à réaction F-16 de fabrication américaine que l’Ukraine réclame depuis des mois à l’Occident.  

Sur le terrain, l’armée ukrainienne a annoncé dans la matinée avoir abattu 12 drones explosifs de type Shahed sur un total de 18 lancés par la Russie dans la nuit de jeudi à vendredi. L’attaque a fait deux morts.

Le directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) Rafael Grossi a de son côté annoncé vendredi « des progrès » dans l’accès de son organisation à la centrale nucléaire de Zaporijjia occupée par la Russie dans le sud de l’Ukraine, où Kyiv dit craindre une « provocation » russe.  

Lors d’une visite à Tokyo, M. Grossi a précisé que ses inspecteurs avaient visité plusieurs sites de la centrale, la plus grande d’Europe, et notamment ses ponts de refroidissement mais qu’ils n’avaient pas eu accès aux toits où l’Ukraine soupçonne l’armée russe d’avoir placé des explosifs.

Moscou et Kyiv s’accusaient mutuellement depuis plusieurs jours d’une provocation imminente dans cette centrale.

La meilleure décision, quelle qu’elle soit

Les négociations avec le président turc, qui entretient des liens étroits à la fois avec Kyiv et Moscou, devraient se concentrer sur un accord permettant d’exporter des céréales ukrainiennes à travers la mer Noire, en dépit de la guerre, ainsi que sur le sommet de l’OTAN mardi et mercredi à Vilnius.  

L’accord céréalier conclu en juillet 2022 avec le parrainage des Nations unies et de la Turquie expire le 17 juillet et la Russie a déclaré ne voir aucune raison de le prolonger.

Le Kremlin a indiqué vendredi suivre « de très près » les discussions entre MM. Zelensky et Erdogan tout en promettant de maintenir un « partenariat constructif avec Ankara » et saluant le « rôle de médiateur » du président turc dans le conflit en Ukraine.

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Le président turc Recep Tayyip Erdogan

Selon des experts, Volodymyr Zelensky devrait aussi encourager son homologue turc à donner son feu vert à l’adhésion de la Suède à l’Alliance atlantique, les responsables de l’OTAN espérant convaincre Ankara de lever son veto à cette idée.

Vendredi, M. Erdogan a indiqué que la Turquie allait prendre « la meilleure décision » concernant l’adhésion de la Suède à l’Alliance atlantique.

« Nous en discuterons avec nos partenaires lors du sommet qui se tiendra mardi à Vilnius et nous prendrons la meilleure décision, quelle qu’elle soit », a-t-il dit.

Le président turc, qui bloque depuis mai 2022 l’entrée de la Suède dans l’OTAN, lui reprochant sa mansuétude présumée envers les militants kurdes réfugiés sur son sol, s’est dit favorable à « la politique de la porte ouverte ».  

Mais, a-t-il enchaîné, « comment un État qui ne prend pas ses distances avec les organisations terroristes peut-il contribuer à l’OTAN ? »