Médias, scandales et procès… Une page de l’histoire politique italienne vient de se tourner, avec la disparition de l’ineffable Silvio Berlusconi, à l’âge de 86 ans. Le « Cavaliere » laisse derrière lui une image pour le moins contrastée. Retour sur ses oh ! et ses bah !…

Les oh !

Une disparition commentée

PHOTO ALEXEI DRUZHININ, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Silvio Berlusconi et Vladimir Poutine en septembre 2015

Son médecin personnel l’avait déclaré « techniquement immortel ». Cette puissante image ne l’a pas empêché de succomber lundi, au terme d’une leucémie chronique et d’une infection pulmonaire, à l’hôpital San Raffaele de Milan. En Italie, sa mort a provoqué de nombreuses réactions chez ses alliés comme chez ses adversaires. Dans un message vidéo, la cheffe du gouvernement italien, Giorgia Meloni, a notamment salué son « courage » et sa « détermination », voyant en lui « l’un des hommes les plus influents de l’histoire de l’Italie ». Quelques personnalités internationales ont aussi rendu hommage à cette « personnalité majeure » au « tempérament énergique », dont le pape François, le président français Emmanuel Macron, le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou et le président russe Vladimir Poutine, qui l’a décrit comme « un vrai ami ». Une journée de deuil national est prévue mercredi en Italie.

Un entrepreneur doué

PHOTO LUCA BRUNO, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Silvio Berlusconi a été le propriétaire du club de soccer AC Milan pendant plus de 30 ans.

Né le 29 septembre 1936, ce fils d’employé de banque milanais fait ses débuts comme animateur sur des bateaux de croisière où il développe son sens aigu du divertissement. Il fait ensuite fortune dans l’immobilier, avant de bâtir son empire médiatique en implantant la télé par câble en Italie, au début des années 1980. Puis, il devient propriétaire du club de soccer AC Milan pendant plus de 30 ans, avant d’acquérir celui de Monza. « Silvio Berlusconi a inventé la télévision commerciale en Europe alors que le continent vivait encore sous un monopole des télévisions publiques nationales », dit Carlo Alberto Carnevale Maffè, professeur de stratégie à l’Université Bocconi de Milan, en entrevue avec l’AFP. Il a conçu une télévision « très populaire, sur le même modèle que celui des tabloïds anglais, en amenant la vie quotidienne sur les petits écrans », rappelle encore l’expert. Ses succès entrepreneuriaux vont lui permettre de devenir, en 2004, la personne la plus riche d’Italie et la 169au monde, avec une fortune estimée à 12 milliards de dollars, selon Forbes. Depuis, son patrimoine s’est réduit à 6,8 milliards de dollars, le plaçant en 2023 au 3rang en Italie et au 352dans le monde.

Un politicien marquant

PHOTO ALBERTO PIZZOLI, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Silvio Berlusconi a laissé sa marque sur le paysage politique italien.

Pour ses admirateurs, c’était un homme d’État compétent et charismatique qui a hissé l’Italie sur la scène internationale. Pour ses détracteurs, c’était un populiste de droite qui a utilisé le pouvoir politique comme outil pour s’enrichir et faire fructifier ses entreprises. Quoi qu’on en pense, Silvio Berlusconi a laissé sa marque sur le paysage politique italien. Arrivé au pouvoir en 1994, avec son parti Forza Italia, il sera président du conseil italien à trois reprises (1994-1995, 2001-2006, 2008-2011), battant tous les records de l’après-guerre. Reconnaissable par son style, ses déclarations et ses frasques, il crée une sorte de « politique spectacle » qui préfigure Donald Trump. Le personnage est polarisant, mais doté d’une étonnante capacité à rebondir. Poussé vers la sortie en 2011, il ressurgit en 2013 avant d’être plombé par ses affaires judiciaires. Il est de nouveau élu député européen en 2019 et sénateur en 2022. Avant de mourir, il était toujours président de Forza Italia, partenaire mineur de la coalition au pouvoir.

Les bah !

Les fêtes « bunga-bunga »

PHOTO PIERO CRUCIATTI, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Karima El-Mahroug, dite Ruby, était au cœur du scandale des soirées « bunga-bunga ». Sur la photo, on la voit à Milan, en février 2023.

Berlusconi, c’est aussi un goût assumé pour les femmes, et les escortes en particulier. Une obsession qui le plongera dans un scandale politico-judiciaire de plusieurs années. En 2010, le magnat participe à des soirées « bunga-bunga » que certains décrivent comme des orgies, mais que le principal intéressé qualifie plutôt de dîners élégants. Il s’avère, après enquête, que le politicien aurait eu des relations sexuelles avec des femmes mineures. Berlusconi tente de dédramatiser mais ne fait que s’enfoncer. « Il vaut mieux être passionné de jeunes femmes que d’être gai », déclare-t-il en 2010, quand le scandale éclate. En 2013, il est condamné à sept ans de prison et inéligibilité à vie pour prostitution de mineur et abus de pouvoir, mais est acquitté en appel deux ans plus tard, sous l’argument qu’il ne connaissait pas l’âge de la victime au moment des faits. Jamais un sans deux : le « Cavaliere » se retrouve au cœur d’un autre procès, cette fois pour avoir acheté des témoins afin qu’ils mentent sur ces soirées sulfureuses. Un tribunal de Milan le relaxera finalement en février 2023.

Fraude fiscale

PHOTO ALESSANDRO BIANCHI, ARCHIVES REUTERS

Silvio Berlusconi en 2013

Silvio Berlusconi, c’est aussi une succession de procès pour fraude, qui se termineront pour la quasi-totalité par des acquittements ou des prescriptions. Il a d’ailleurs toujours clamé son innocence, se disant victime d’un acharnement judiciaire et politique piloté par la gauche. Sa seule condamnation définitive date du 1er août 2013 lorsqu’il écope de quatre ans de prison et six ans d’inéligibilité dans une affaire de fraude fiscale liée à son empire médiatique Mediaset. Il bénéficie alors d’une amnistie pour trois ans, et le reste de sa peine est transformé en travaux d’intérêt général, effectués à Milan dans une maison de retraite. Longtemps soupçonné de liens avec la mafia, Berlusconi a fait l’objet d’enquêtes sur ces allégations, mais elles n’ont jamais abouti à un procès.

Des déclarations douteuses

PHOTO ERIC FEFERBERG, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Barack Obama et Silvio Berlusconi, en 2009

Il n’avait pas la langue dans sa poche. Ni de filtre. Spontané, pour le meilleur et pour le pire, Berlusconi fut l’homme des déclarations douteuses ou divertissantes. En voici quelques-unes.

« Je suis le Jésus-Christ de la politique. » (2006)

« Mussolini n’a jamais tué personne, il a juste envoyé des gens en vacances en exil. » (2003)

« On ne peut pas mettre sur le même plan toutes les civilisations. Il faut être conscient de notre suprématie, de la supériorité de la civilisation occidentale. » (2001)

« Je dois vous porter les salutations de quelqu’un qui s’appelle… qui s’appelle… Attendez, c’était quelqu’un de bronzé : Barack Obama ! » (2009)

« Lisez Le livre noir du communisme et vous découvrirez que, dans la Chine de Mao, ils ne mangeaient pas les enfants. Ils les cuisinaient pour fertiliser les champs. » (2006)