(Kyiv) Un émissaire chinois envoyé par Pékin pour discuter d’un « règlement politique » du conflit est mercredi à Kyiv, une visite attendue par Volodymyr Zelensky, fort de nouvelles promesses d’armes occidentales, pour voir la Chine user de son influence sur la Russie.

« Une rencontre est possible dans l’après-midi » entre le président ukrainien et Li Hui, a indiqué à l’AFP un haut responsable ukrainien qui s’exprimait sous le couvert de l’anonymat.

Cet échange serait une première entre M. Zelensky – qui encourage Pékin à peser sur Vladimir Poutine – et un haut responsable chinois, depuis le début de l’invasion russe le 24 février 2022.

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Selon Pékin, Li Hui, représentant spécial pour les affaires eurasiatiques et ancien ambassadeur chinois à Moscou, est censé discuter du « règlement politique » du conflit ukrainien lors d’une tournée européenne qui doit le conduire aussi par la Pologne, la France, l’Allemagne et la Russie.

La Chine, proche partenaire de Moscou, n’a jamais condamné publiquement l’invasion russe.

Pékin a proposé en février un plan en 12 points pour mettre fin à la guerre, vu avec scepticisme par les Occidentaux, et son président Xi Jinping s’est rendu à Moscou en mars, apportant un soutien symbolique à Vladimir Poutine face aux Occidentaux.

« À la fin du mois, [M. Hui] viendra chez nous », a déclaré mardi soir le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Andreï Roudenko, cité par l’agence de presse TASS, sans donner à ce stade de date précise.

« L’idée est de faire connaître à ces pays les propositions chinoises pour une politique de règlement en Ukraine et entendre les points de vue et les commentaires des interlocuteurs concernés », a-t-il assuré.

« Flux d’armes »

Cette visite à Kyiv de Li Hui intervient juste après la tournée européenne de Volodymyr Zelensky lors de laquelle il a reçu la promesse de nouvelles livraisons d’armes nécessaires pour lancer une contre-offensive d’ampleur.

Il a été entendu sur plusieurs points – missiles antiaériens, drones d’attaque, blindés – et a progressé vers la livraison d’avions de combat occidentaux, une requête de Kyiv depuis près de 15 mois.

Le président français Emmanuel Macron a annoncé à son tour que la France allait entamer prochainement la formation de pilotes ukrainiens et le Royaume-Uni et les Pays-Bas ont dit ensemble mardi soir vouloir bâtir une « coalition internationale » pour fournir des chasseurs américains F-16 à l’armée ukrainienne.

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L’envoi à Kyiv d’avions occidentaux, en plus des MiG soviétiques déjà fournis par la Pologne et la Slovaquie, serait une valeur ajoutée indéniable pour l’Ukraine.

Interrogé sur les nouvelles livraisons occidentales, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a dit mercredi « constater que le flux d’arme et de munitions vers l’Ukraine augmente et que le niveau d’armes tactiques et techniques fournies augmente également ».

Bakhmout, toujours

Sur le champ de bataille, l’Ukraine a chiffré mardi pour la première fois ses gains des derniers jours autour de la ville de Bakhmout (est), sur les flancs de laquelle elle progresse au moment même où les forces russes sont sur le point d’en prendre le contrôle total après des mois de bataille sanglante.

« Ces derniers jours, nos troupes ont libéré environ 20 kilomètres carrés au nord et au sud » de Bakhmout, s’est félicitée la vice-ministre ukrainienne de la Défense, Ganna Maliar.

Mais cette offensive locale ne semble pas être la grande attaque promise par Kyiv depuis des mois, Volodymyr Zelensky estimant encore récemment que son armée avait « besoin de plus de temps ».

De son côté, la Russie a affirmé progresser un peu plus au sein même de Bakhmout, ville aujourd’hui ravagée qu’elle espère conquérir après une série de revers humiliants.  

Selon le chef du groupe paramilitaire de Wagner, Evguéni Prigojine, qui a annoncé mardi la mort au front d’un Américain combattant aux côtés des Ukrainiens, un dernier réduit de 1,46 km2 de la ville résiste à ses hommes, en première ligne depuis des mois.

Une telle prise n’aurait toutefois que peu d’importance stratégique sur le déroulement de la guerre, selon les observateurs, a fortiori si la ville est désenclavée par les forces ukrainiennes.

Prolongation de l’accord sur les céréales ukrainiennes

L’accord sur l’exportation via la mer Noire des céréales ukrainiennes, crucial pour l’approvisionnement alimentaire mondial, a été prolongé mercredi de deux mois.

« Il a été décidé de prolonger de deux mois supplémentaires l’accord céréalier en mer Noire », a annoncé le président turc Recep Tayyip Erdogan à propos de cet accord concernant l’Ukraine et la Russie, conclu en juillet 2022 et qui arrivait à expiration jeudi soir.

« Nous sommes reconnaissants envers nos partenaires, l’ONU et la Turquie, pour leurs efforts pour renforcer la sécurité alimentaire mondiale », a réagi dans la foulée sur Twitter le vice-premier ministre pour la Restauration de l’Ukraine, Oleksandre Koubrakov, qui suit le dossier.

Le Kremlin a pour sa part confirmé la prolongation, mais dénonce une mise en œuvre « déséquilibrée ».

Signé en juillet dernier à Istanbul entre les Nations unies, l’Ukraine, la Russie et la Turquie, l’accord a permis d’exporter ces dix derniers mois plus de 30 millions de tonnes de céréales ukrainiennes, permettant de soulager la crise alimentaire mondiale provoquée par la guerre.

Il avait précédemment été renouvelé le 19 mars pour 60 jours.

En théorie, les reconductions sont censées être valables 120 jours, mais la Russie avait alors insisté sur une prolongation de 60 jours, réclamant le respect de l’autre volet de l’accord, qui concerne ses propres exportations de produits agricoles, toujours entravées par les sanctions imposées par les pays occidentaux après le déclenchement de l’offensive russe contre l’Ukraine en février 2022.

La Russie avait listé cinq exigences pour prolonger l’accord, notamment la reconnexion au système bancaire international Swift de la banque russe spécialisée dans l’agriculture Rosselkhozbank et l’annulation des entraves pour assurer des navires et accéder aux ports étrangers.

« Nos principales appréciations des accords […] n’ont pas changé », a réagi mercredi la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, alors que Moscou affirme que les exportations d’engrais et de produits alimentaires russes restent entravées. « Les déséquilibres dans leur mise en œuvre doivent être corrigés le plus rapidement possible », a-t-elle ajouté.

De son côté, le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a salué devant la presse l’extension pour deux mois du corridor, « une bonne nouvelle pour le monde », selon lui, tout en disant espérer à terme un accord plus large et des réponses aux questions qui restent selon lui « en suspens ».