(Moscou) Les États-Unis ont annoncé mardi une nouvelle aide militaire à l’Ukraine d’un montant de 1,2 milliard de dollars afin notamment de renforcer la défense aérienne de ce pays face à la Russie, aussitôt saluée par le président ukrainien Volodymyr Zelensky.

Cette nouvelle aide reflète « la détermination des États-Unis à continuer à soutenir l’Ukraine en lui procurant des ressources cruciales à court terme comme des systèmes de défense aérienne et des munitions » d’artillerie tout en renforçant sa capacité à se défendre « à plus long terme », indique un communiqué du Pentagone.

Le président ukrainien s’est félicité d’un « signe de solidarité » apporté lors d’un « jour symbolique pour nous – la Journée de l’Europe et la Journée de la victoire sur le nazisme lors de la Seconde Guerre mondiale ».

« Ensemble, nous nous dirigeons vers une nouvelle victoire ! », a indiqué M. Zelensky sur Twitter, alors que Kyiv dit préparer depuis des mois une contre-offensive d’ampleur pour libérer les territoires occupés par la Russie depuis le début de la guerre.

Cette nouvelle aide ne provient pas des stocks américains et ne servira donc pas immédiatement sur le champ de bataille, mais elle consiste à financer l’achat d’armements à plus long terme auprès de l’industrie de la défense, ce qui évite de puiser dans l’inventaire des États-Unis déjà mis à contribution.

Le Pentagone n’a pas encore choisi le type de système de défense aérienne prévu cette fois, a indiqué son porte-parole, le brigadier général Pat Ryder, parlant du « début du processus de commandes » auprès de l’industrie.

Mais le paquet d’aides inclut notamment des munitions pour les systèmes anti-drones, ainsi que des obus d’artillerie de 155 mm.

La défense aérienne s’est avérée un facteur crucial dans le conflit face au tir de barrage des missiles russes.

Les États-Unis, qui sont le principal fournisseur en armes de l’Ukraine, ont déjà fourni des batteries antimissiles Patriot et des systèmes mobiles sophistiqués Himars.

L’Ukraine n’a de cesse d’appeler les Occidentaux à livrer plus de blindés, d’artillerie, de munitions, mais aussi des avions de combat et des systèmes de tirs de longue portée pour frapper la logistique russe loin derrière la ligne de front, ce que les pays alliés rechignent à faire.

Cette nouvelle tranche porte à plus de 36 milliards de dollars l’aide militaire totale des États-Unis à l’Ukraine depuis le début de l’offensive russe le 24 février 2022.

Interrogé pour savoir si cela suffisait, le secrétaire d’État américain Antony Blinken a dit à la presse que l’Ukraine avait ce qu’il fallait pour « continuer de regagner avec succès les territoires qui ont été occupés par la Russie au cours des derniers 14 mois ».

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Défilé plus modeste

En cette journée hautement symbolique, le chef du groupe paramilitaire russe Wagner, Evguéni Prigojine, a lui lancé un pavé dans la mare avec une longue diatribe dénonçant l’incapacité des autorités russes à défaire l’Ukraine, accusant même la hiérarchie militaire de vouloir « tromper » le président russe.

PHOTO SPUTNIK, VIA REUTERS

Le président russe Vladimir Poutine, assistant au défilé militaire commémorant la victoire sur le nazisme lors de la Seconde Guerre mondiale

Cette année, les commémorations interviennent alors que l’armée est enlisée dans sa campagne militaire, après avoir enregistré de lourdes pertes, tandis que se prépare une contre-offensive ukrainienne.

Comme une illustration de cette réalité, le défilé à Moscou était bien plus modeste que les années précédentes : pas de parade aérienne ni de chars, à l’exception d’un T-34 soviétique datant de la Seconde Guerre mondiale.

Dans les rues, les Russes interrogés par l’AFP reprenaient la ligne officielle sur le conflit.

« Nous sommes dans la même situation que nos grands-pères et grands-mères, nous sommes forcés de nous défendre contre un nazisme ressuscité », estime Galina Loguinova, retraitée d’Ekaterinbourg dans l’Oural.

Ironisant sur la courte durée du défilé militaire par rapport aux années précédentes, le secrétaire général du Conseil de sécurité et de défense ukrainien Oleksiï Danilov a lui dénoncé sur Twitter une « parade de la couardise et de la peur ».

Volodymyr Zelensky avait promis lundi à la Russie la « même » défaite que celle des Nazis. Rompant avec la tradition soviétique du 9 mai – l’Ukraine célèbre désormais la fin de la Seconde Guerre mondiale le 8 comme les Occidentaux – il a accueilli mardi la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen pour la Journée de l’Europe.

M. Zelensky a aussi exhorté l’UE à accélérer les livraisons de munitions d’artillerie, à mettre fin aux restrictions sur les exportations agricoles ukrainiennes et à lancer des négociations d’adhésion pour son pays.

Poutine « trompé » par l’armée ?

Sur le terrain, après 15 mois d’offensive, l’armée russe apparaît affaiblie par les pertes et les tensions entre l’état-major et les paramilitaires de Wagner. Elle reste empêtrée dans son combat pour la ville de Bakhmout, épicentre des combats dans l’Est depuis des mois.

Le chef de Wagner a accusé la hiérarchie militaire d’« intrigues », de ne pas avoir tenu sa promesse de livrer des munitions, et de fuir le champ de bataille à Bakhmout.

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« Si tout est fait pour tromper le commandant en chef (Vladimir Poutine), alors soit le commandant en chef vous déchirera le c.. , soit ce sera le peuple russe qui sera furieux si la guerre est perdue », a-t-il lancé dans son habituel langage fleuri.

Les commémorations du 9 mai se déroulent aussi sous protection renforcée, après la multiplication des attaques en territoire russe attribuées à Kyiv par Moscou.

L’attaque la plus spectaculaire, même si elle a soulevé beaucoup de questions et que Kyiv a démenti toute responsabilité, a été une apparente frappe de drone contre le Kremlin la semaine dernière.

Il y a eu également des frappes contre des installations énergétiques, des sabotages de voies ferrées et de multiples tentatives ou assassinats de personnalités.

En conséquence, des défilés et manifestations prévus dans plusieurs villes ont été annulés, notamment dans les régions frontalières de l’Ukraine, les autorités avançant un risque « terroriste ».

Mais Moscou poursuit ses bombardements sur l’Ukraine. Mardi, l’armée de l’air ukrainienne a affirmé avoir abattu 23 missiles de croisière russes sur les 25 lancées pendant la nuit sur le pays.

Un journaliste de l’AFP tué dans une frappe de roquettes

PHOTO ARIS MESSINIS, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Arman Soldin en mars dernier

Le coordinateur vidéo de l’Agence France-Presse en Ukraine, Arman Soldin, a été tué mardi après-midi lors d’une attaque de roquettes russes dans l’Est de l’Ukraine, près de la ville assiégée de Bakhmout.

Dans la soirée, Emmanuel Macron lui a rendu hommage. « Journaliste de l’Agence France-Presse, l’un de nos compatriotes, Arman Soldin, a été tué en Ukraine. Avec courage, dès les premières heures du conflit il était au front pour établir les faits. Pour nous informer », a écrit sur Twitter le président français.

Peu après, le ministère de la Défense ukrainien a présenté ses « sincères condoléances à sa famille et à ses collègues », ajoutant, sur le même réseau social : « Il a consacré sa vie à rendre compte de la vérité au monde ».

Arman Soldin faisait partie d’une équipe de cinq reporters de l’AFP qui accompagnaient des soldats ukrainiens sur le front le plus actif de la guerre, dans les environs de Tchassiv Iar, localité ukrainienne proche de Bakhmout et visée quotidiennement par les forces russes.

La salve de roquettes Grad qui l’a touchée a été tirée vers 16 h 30 locales (9 h 30, heure de l’Est). Il a été touché alors qu’il s’était couché au sol pour tenter de se protéger. Le reste de l’équipe s’en est sorti indemne.

« L’Agence dans son ensemble est effondrée », a déclaré Fabrice Fries, le PDG de l’AFP. « Sa mort est un terrible rappel des risques et dangers auxquels sont confrontés les journalistes au quotidien en couvrant le conflit en Ukraine ».

Phil Chetwynd, directeur de l’information de l’AFP, a salué la mémoire d’un journaliste « courageux, créatif et tenace ». « Le travail brillant d’Arman résumait tout ce qui nous rend fier du journalisme de l’AFP en Ukraine », a-t-il ajouté.

Journaliste reporter d’images expérimenté précédemment en poste à Londres, Arman Soldin était le coordinateur vidéo en Ukraine depuis septembre 2022 et se rendait régulièrement sur le front.

Il faisait partie également de l’équipe AFP qui avait couvert les tout premiers jours de l’invasion russe.

« Arman était enthousiaste, énergique, courageux. C’était un vrai reporter de terrain, toujours prêt à partir, y compris dans les zones les plus difficiles », a dit la directrice Europe de l’AFP, Christine Buhagiar.

Évacué de Sarajevo à un an

À l’Assemblée nationale française, les députés de tous les groupes se sont levés mardi soir pour applaudir en hommage au journaliste.

Recruté à Rome en 2015 en tant que stagiaire avant de rejoindre le bureau de Londres la même année, Arman, de nationalité française et bosnien d’origine, était né à Sarajevo. Il était l’un des premier évacués en France en 1992 au début du siège de la ville. Il avait à peine un an.

« Les histoires de réfugiés me touchent », racontait-il l’année dernière pour le blogue Making Of de l’AFP, interrogé depuis Kyiv alors qu’il s’éclairait à la bougie.

Il parlait couramment français, anglais et italien mais ses origines l’aidaient dans son travail en Ukraine : « Je baragouine un peu en bosniaque, c’est aussi une langue slave, on se comprend un peu […] » Beaucoup de femmes s’appellent Oksana, ma mère aussi « .

Footballeur doué, il avait joué, jeune, au Stade Rennais dans l’ouest de la France mais avait abandonné ses espoirs d’accéder à une carrière professionnelle.

Quand la Russie a envahi l’Ukraine en février l’année dernière, Arman s’est porté volontaire pour faire partie des premiers envoyés spéciaux de l’Agence.

« Un an presque jour pour jour depuis mon arrivée en Ukraine pour la première fois qui a changé ma vie », écrivait-il en février, se disant « très fier et ému du travail, des efforts et des larmes que nous y avons consacrés avec mes collègues ». « Ce n’est pas fini », ajoutait-il.

Il est au moins le onzième reporter, fixer ou chauffeur de journalistes a avoir été tué en Ukraine depuis le début de l’invasion russe le 24 février 2022, selon un décompte des ONG spécialisées RSF et CPJ.