(Paris) Le nombre de manifestants a nettement reculé pour la 11e journée d’action contre la réforme des retraites d’Emmanuel Macron, marquée par quelques violences, dans un climat de plus en plus crispé entre les organisations syndicales et l’exécutif, qui parie sur un essoufflement du mouvement.

Il étaient 570 000 à marcher dans tout le pays, contre 740 000 lors de la dernière journée d’action du 28 mars, selon les autorités. Les syndicats ont estimé à « près de 2 millions » la fréquentation nationale, un chiffre en légère baisse selon eux, quand le syndicat CGT avait alors décompté « plus de 2 millions » de protestataires.  

À Paris, la préfecture de police a recensé 57 000 manifestants, contre 93 000 il y a une semaine. Le syndicat CGT a décompté 400 000 personnes dans les rues de la capitale, contre 450 000 protestataires jeudi dernier.

La participation s’est étiolée dans les principales villes françaises. À Rennes (ouest), habituelle place forte de la contestation, la préfecture n’a compté que 8500 manifestants et les syndicats 20 000. Même tendance à l’essoufflement à Marseille (sud, 10 000 à 170 000), ou Clermont-Ferrand (centre, 7500 à 20 000).

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Les manifestants à Paris

Quelques poussées de violences ont émaillé les cortèges.

Un restaurant du sud de Paris devenu un symbole du président français, qui y avait célébré en 2017 sa qualification pour le second tour de la présidentielle, a été attaqué. La Rotonde, déjà victime d’une tentative d’incendie durant les marches des « gilets jaunes » en 2020, a cette fois-ci vu son auvent prendre brièvement feu, avant que les pompiers n’interviennent.

Une banque a également été vandalisée dans la capitale, où la préfecture a fait état de « blessés » parmi les forces de l’ordre. D’après le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, 111 interpellations ont eu lieu sur tout le territoire et 154 policiers et gendarmes ont été blessés.

Heurts

À Nantes (ouest), des heurts ont eu lieu pendant plus de trois heures entre des manifestants jetant des projectiles et commettant des dégradations, et les forces de l’ordre, a constaté l’AFP. À Nancy (est), le porche d’une succursale de la Banque de France a été incendié.

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Des heurts ont eu lieu entre policiers et manifestants à Nantes.

De son côté, le gouvernement fait le dos rond en attendant la décision du Conseil constitutionnel, qui se prononcera le 14 avril sur la constitutionnalité de cette réforme très impopulaire. Cette haute juridiction peut censurer la loi, la valider totalement ou partiellement.

« Je n’attends pas grand-chose du Conseil constitutionnel », a commenté à Brest (ouest) Bastien Caban, 36 ans, cadre dans le milieu associatif, qui veut croire en la capacité de l’exécutif à « reconnaître [qu’il] a tort ». À Strasbourg (nord-est), Halima Hamoussa, 54 ans, présidente du syndicat autonome FA-FPT, a au contraire dit espérer que le Conseil constitutionnel « abonde dans notre sens et retire cette loi ».

Le projet phare du second mandat d’Emmanuel Macron est sur les rails après avoir été adopté au forceps le 20 mars à l’issue de semaines de manifestations et de tractations stériles à l’Assemblée nationale.

« Provocation »

L’utilisation d’un mécanisme constitutionnel permettant une adoption sans vote au Parlement n’a pas fait désarmer l’opposition et les syndicats. Au contraire, les relations entre le chef de l’État et les partenaires sociaux, en particulier la centrale réformiste CFDT, tournent à l’aigre.

Une rencontre mercredi entre la première ministre Elisabeth Borne et l’intersyndicale – comptant huit organisations – a tourné court, les syndicats parlant d’« échec », la CGT dénonçant même un « gouvernement obtus, radicalisé et déconnecté ».

Depuis la Chine, Emmanuel Macron a pour sa part répliqué via son entourage en insistant sur un projet « porté démocratiquement » et en rejetant la responsabilité de l’échec du dialogue sur les syndicats, notamment la CFDT, qui n’a « pas voulu entrer dans un compromis ».

« Je dis “stop à la provocation”. Ça n’a pas de sens, on n’est pas sur un ring. Ce n’est pas moi le problème », a rétorqué jeudi Laurent Berger, le patron de la CFDT, un syndicat réformiste, alors que le conflit semble tourner à l’avantage de l’extrême droite de Marine Le Pen, opposée à la réforme mais discrète depuis le début du conflit.  

Selon un sondage publié mercredi, 47 % des Français considèrent que la dirigeante du Rassemblement national « a la stature d’une présidente de la République », en hausse de 5 points en un an, et qu’elle est « capable de réformer le pays » (51 %, +8 points).

Les syndicats ont appelé jeudi soir à une 12e journée de mobilisation, le 13 avril, à la veille de la décision du Conseil constitutionnel. Au Fonds monétaire international, la directrice générale Kristalina Georgieva a estimé cette réforme « inévitable » en France, mais elle nécessite selon elle de « construire un consensus ».