Rares sont les Ouzbeks du Sud du Kirghizistan à croire que les législatives de dimanche amélioreront leur sort et mettront un terme aux exactions dont ils se disent victimes, quatre mois après les violences ethniques qui ont surtout visé cette minorité.

Ilhom Khomrakoulov est l'un d'entre eux. Quelques jours après la fin des affrontements de juin, il est arrêté à Och, capitale du Sud de cette ex-république soviétique d'Asie centrale, sous prétexte que le bâton qu'il avait dans sa voiture était une arme.

Il accuse les policiers kirghiz de l'avoir torturé pendant trois mois, alors que son seul crime est, selon lui, d'être issu de la minorité ouzbèke, une histoire parmi tant d'autres, selon les rapports d'ONG comme Human Rights Watch et du commissaire de l'Onu pour les Droits de l'Homme.

«Ils m'ont battu pendant des jours. D'autres ont été détenus et ils ont été battus aussi. Nous avons été battus jusqu'à être recouverts d'hématomes», raconte Ilhom, le regard perdu dans le vague.

Sa famille a dû vendre sa voiture, son bétail et collecter de l'argent auprès de voisins et d'amis pour réunir le pot-de-vin de 10 000 dollars nécessaire à la libération de leur proche.

Les autorités locales rejettent ces accusations et assurent mener des opérations de police justifiées après des violences qui ont fait, selon les bilans, entre 400 et 2000 morts dans le sud kirghiz, où les Ouzbeks constituent jusqu'à la moitié de la population, contre 14% au niveau national.

La minorité, qui n'est pas représentée au sein des forces de l'ordre et de l'armée, n'a dès lors guère d'illusion à l'approche des élections et craint d'être attaquée par les Kirghiz après le scrutin.

«Après les élections, une nouvelle guerre va éclater, c'est ce que les Kirghiz nous disent. Mais je vais aller voter malgré tout, sinon quelqu'un ira voter à ma place», explique la belle-soeur d'Ilhom, Ouchida Khomrakoulova.

«Nous espérons une stabilisation de la situation de la part du nouveau gouvernement et de grands changements, mais depuis vingt ans on a eu que des promesses», relève de son côté Minhajiddine, un Ouzbek de 37 ans, qui préfère taire son nom de famille de peur de représailles.

Arrivé au pouvoir après une révolution en avril qui a renversé le président Kourmanbek Bakiev, la présidente Rosa Otounbaïeva et son gouvernement ont introduit une Constitution instituant un régime parlementaire dans l'espoir de stabiliser un pays miné par les divisions politiques et ethniques.

Le score que réalisera le parti nationaliste d'opposition Ata-Jourt dimanche risque d'être à ce titre déterminant. Les sondages prédisent une percée de ce mouvement.

Cette formation farouchement opposée aux aspirations des minorités ethniques et jugée proche de M. Bakiev fait l'objet de poursuites pour incitation à la haine ethnique. Ses bureaux de Bichkek ont par ailleurs été attaqués par des manifestants mercredi.

Or à Och, les Kirghiz ne cachent plus leur haine pour les Ouzbeks, accusés d'être responsables des violences de juin et avant cela de s'être enrichis sur le dos de leurs concitoyens.

«Je ne veux plus vivre avec eux. C'est exclu. Comment pourrais-je vivre avec eux? Qu'ils partent. Ici, est le Kirghizistan, c'est notre pays, c'est notre ville», s'emporte Zoufia Oularova, dont le mari a disparu durant les affrontements.

«Qu'on les renvoie à Tachkent (capitale de l'Ouzbékistan)! Qu'ils vivent là-bas», proclame-t-elle, installée dans une tente face à l'administration d'Och, où elle vient tous les jours depuis quatre mois dans l'espoir d'avoir des nouvelles de son mari.