«Titid revient. Vite. Vite». Le graffiti sur le mur de l'église où Jean-Bertrand Aristide avait l'habitude de prêcher pour les pauvres du bidonville alentour se fait l'écho d'un appel de plus en plus pressant au retour au pays de l'ancien président haïtien.

«Il devrait déjà être là», lance Joseph Wilfred, 46 ans et père de trois enfants. Ils dorment maintenant dans la rue près de l'église Saint-Jean Bosco, où le père Aristide donnait ses prêches enflammés.

Jean-Bertrand Aristide, qui a dominé la vie politique haïtienne pendant près de 15 ans et reste populaire auprès des plus défavorisés, a été contraint de quitter son pays le 29 février 2004, sous la pression d'une insurrection armée et des gouvernements de Washington, Paris et Ottawa. Il vit depuis en exil en Afrique du Sud.

L'ancien président s'est dit il y a un mois prêt à rentrer dans son pays pour «aider à reconstruire» après le tremblement de terre.

Mercredi, des centaines d'Haïtiens, certains frustrés de l'attitude du président René Préval, ont manifesté en faveur de «Titid» aux alentours du palais présidentiel, au moment où le président Nicolas Sarkozy s'y entretenait avec son homologue haïtien.

Comme ces manifestants, Joseph Wilfred est convaincu que si Aristide «avait été là durant cette catastrophe, il aurait mieux géré les choses».

«S'il était là, nous ne serions pas dans cette terrible situation», lance Westline Saint Hilaire, assise à même le sol pour découper un poulet couvert de mouches avant de jeter les morceaux dans un pot.

La mère de sept enfants vit sous une tente non loin du couvent de Saint-Jean Bosco depuis le séisme du 12 janvier qui a fait 217 000 morts et plus d'un million de sans-abri.

Le message de soutien au retour d'Aristide apparaît un peu partout sur les ruines de la capitale sous forme de graffitis et même sur un rocher proche d'une fosse commune.

«Le président Préval ne peut pas venir se promener dans les quartiers pauvres sans la Minustah (les casques bleus de la mission de l'ONU en Haïti ndlr) et la police», affirme Peter Lealis John, 56 ans, et qui vit lui aussi dans l'ancien quartier d'Aristide sous une tente.

Mais tout le monde ne partage pas l'enthousiasme des anciens paroissiens de «Titid».

«Les Américains ne veulent pas qu'il revienne», affirme le Père Wim Boksebeld, l'un des prêtres de Saint-Jean Bosco, qui admire le combat qu'Aristide a mené pour les pauvres mais ne pense pas que l'ancien président doive revenir.

Quant à Peter DeShazo, un expert du Center for Strategic and International Studies, un centre de réflexion de Washington, il rappelle qu'Aristide a été loin de tenir toutes ses promesses et de répondre aux immenses espoirs qu'il avait suscités.

«Au bout du compte, quand il est parti en 2004, le pays était plus ou moins en pagaille», explique ce spécialiste de la région. «On ne peut le rendre responsable de tout, mais il est clair qu'il a sa part» de responsabilités.

Le retour de Jean-Bertrand Aristide pourrait aussi provoquer des turbulences politiques et une diversion inutile au moment où le pays doit se relever de la pire catastrophe naturelle qu'il ait connue.

«Tout ce qui pourrait diviser serait malvenu», ajoute M. DeShazo.