Intellectuel aussi provocateur que critiqué, Christopher Hitchens est renommé pour ses attaques cinglantes. Essayiste et journaliste de renom - il écrit entre autres pour le magazine Vanity Fair -, il s'en est déjà pris à l'ancien secrétaire d'État Henry Kissinger, à Bill Clinton et à mère Teresa. Les Montréalais pourront se frotter à son humour caustique et à ses critiques acerbes mardi. Il sera en ville dans le cadre de la première des conférences du 357c, une série de rencontres privées où défileront au cours des prochains mois plusieurs penseurs importants de notre époque. La Presse a joint M. Hitchens à Washington pour lui poser quelques questions sur la politique américaine.

Q: Vous avez récemment pris la défense de la candidate républicaine à la vice-présidence américaine, Sarah Palin. Pensez-vous vraiment qu'elle soit prête à devenir présidente?

 

R: Autant que Geraldine Ferraro (NDLR: candidate démocrate à la vice-présidence en 1984). C'est à dire pas très prête! Cela dit, je pense que les propagandistes démocrates ont commis une erreur en affirmant qu'on n'a jamais vu quelqu'un d'aussi peu qualifié. En fait, Palin est au moins aussi qualifiée que Ferraro. Mais si vous jetez un coup d'oeil à ce que les démocrates disaient à l'époque quand on posait cette question au sujet de Ferraro, vous verrez qu'il y a une énorme différence. Je trouve ce parti pris ennuyeux. Je ne suis pas républicain et je ne suis pas démocrate. Je déteste cette mesquinerie ambiante.

Q: Certains remettent aussi en question l'expérience de Barack Obama. Pensez-vous qu'il soit prêt à devenir président des États-Unis?

R: Je pense qu'aucun des candidats actuels n'est qualifié pour être président. Le sénateur McCain est trop vieux, probablement trop malade, et trop instable. Le sénateur Obama est un homme sympathique. Il est sans contredit en mesure d'apprendre rapidement, mais il a certaines déficiences sur le plan du caractère. Il n'est pas en mesure de se décider. S'il fait face à un choix, il prendra les deux options possibles. C'est très mauvais signe chez un ami, chez un collègue ou chez n'importe quel professionnel. On ne veut pas d'un avocat, d'un docteur, d'un comptable ou d'un banquier comme ça! Alors on ne veut certainement pas cela d'un président!

Q: La majorité des Américains ont hâte de voir George W. Bush quitter la Maison-Blanche en janvier prochain. Vous avez déjà soutenu ses idées. Êtes-vous déçu de le voir partir?

R: Il m'a beaucoup déçu. Il n'y a qu'un seul enjeu qui m'intéresse en politique. Un seul sur lequel je me considère comme assez qualifié pour me prononcer: la sécurité nationale et internationale. Dans ce dossier, je pense que le président a rallié de façon magnifique les éléments de la société irakienne qui s'opposaient aux baassistes (fidèles à Saddam Hussein) et à Oussama ben Laden. Nous avons infligé à ces forces des défaites historiques. C'est pour moi une source de fierté majeure. Et c'est pourquoi, à mon avis, le président Bush aura sa place dans l'histoire. Mais il n'a pas réglé les dossiers de la Corée-du-Nord, de l'Iran, de la Palestine, de l'Afghanistan, etc. Ce sera à ses successeurs de résoudre ces problèmes. Ce n'est pas un bon bilan.

Q: Vous avez dès le départ donné votre aval à l'invasion irakienne et vous croyez toujours, plus de cinq ans plus tard, que c'était ce qu'il fallait faire.

R: Je ne dis pas ça uniquement pour être différent, mais le dossier dans lequel la plupart des gens pensent que le président Bush a été le pire aura été son meilleur moment. C'était ce qu'il fallait faire. Bien sûr. C'était la meilleure chose à faire et c'était la seule chose à faire. Nous avons libéré l'Irak. Et à long terme ce sera à la source de changements majeurs dans la région. Ça a été un revirement très important.

Q: Votre plus récent essai est intitulé God is Not Great (Dieu n'est pas grand). Nous avons souvent l'impression, quand nous observons nos voisins américains, que la religion prend trop de place en politique. Vous êtes d'accord?

R: Vous avez raison. À mon avis, l'aspect le plus stupide, déprimant et malhonnête de la politique américaine est le fait que les candidats prétendent qu'ils croient en Dieu et qu'ils pensent que la foi est plus importante que la raison.