Derrière son comptoir, Andy Russell tranche des sections de sandwichs cubains dans un pain qui doit faire plus d'un mètre de long. Les serveuses servent du café con leche aux clients qui se pressent au West Tampa Sandwich Shop de la rue Armenia. Pour qui Andy votera? Il rigole et montre sur le mur une photo prise l'été dernier. Entouré des serveuses au visage émerveillé, Barack Obama sourit à pleines dents. Pas besoin d'en dire plus.

À la caisse, Jeremy Green observe la scène discrètement au moment de payer. «Ils ne m'aimeront pas», dit l'homme en désignant Andy et les serveuses du menton. «Mais je vais voter Romney.» Près de lui, sa femme Carolyn tient le bébé dans ses bras. Elle est d'origine cubaine, il est blanc. «Obama s'est dit en faveur du mariage gai, ce qui est inacceptable pour moi. Il est en faveur de l'avortement, ce qui n'est pas bien non plus. Il dit oui à tout le monde, il n'a pas de valeurs.»

Si la course est aussi serrée en Floride, c'est aussi parce que la population y est métissée. Notamment chez les Latino-Américains, dont le vote pourrait faire la différence dans plusieurs États.

À l'échelle du pays, les Latino-Américains votent à 69% pour les démocrates (selon une étude du Pew Research Center). En Floride, où les hispanophones représentent près du quart de la population, à peine la moitié (51%, selon les médias locaux) voteront Obama. Raison: l'importante communauté cubaine a trouvé refuge depuis longtemps auprès des républicains, partisans de la ligne dure à l'endroit du régime castriste.

Mais les temps changent. Les Latino-Américains de la Floride sont de moins en moins cubains, et les Cubano-Américains sont de moins en moins républicains. Comme Andy et sa belle-famille, les Barrionnuevo, propriétaires du resto. «L'économie ne pouvait pas se relever en seulement quatre ans, dit Andy. Il faut encore laisser la chance à Obama.»

Accoudée au comptoir, Thalia Valdez, fière Cubano-Américaine, affiche candidement sa perplexité. À 17 ans, elle n'a pas encore le droit de vote, tout comme son copain George Gonzalez, Portoricain d'origine. Leurs parents ont choisi Obama, mais Thalia n'est pas aussi convaincue. «Il y a des points négatifs des deux côtés. Romney veut interdire l'avortement et retourner les immigrants chez eux, et je ne suis pas d'accord.»

Et Obama? Elle fronce les sourcils. Elle cherche, mais n'arrive pas à formuler une critique contre le président. Pourtant, affirme-t-elle, on lui reproche beaucoup de choses. «En fait, à l'école, on ne nous parle que de Romney. Nos professeurs votent pour Romney, et tous les travaux d'école sont sur le programme de Romney. Ils se paient la tête d'Obama en affichant des photos sur lesquelles il a l'air stupide.» Elle fait une pause. «Dites-moi... Vous pourriez me dire ce qu'Obama propose? On ne me l'a pas dit, à moi...»

Derrière son comptoir, Andy Russell hausse les épaules. Peu importe qui gagne l'élection, la Floride et les États-Unis seront divisés demain matin. «Ce qu'il va arriver? Je vais continuer à faire des sandwichs. C'est tout.»

FLORIDE

Grands électeurs: 29

Population: 18 801 310 habitants

Taux de chômage: 8,7 % (en sept. 2012)

Élection de 2008:

John McCain 48%

Barack Obama 51%

Groupes ethniques:

Blancs 57,9%

Latino-Américains 22,5%

Noirs 15,2%

Ville la plus importante: Jacksonville, 821 784 habitants