Le gouvernement fédéral refuse de se laisser intimider par les menaces formulées par l'État islamique à l'égard du Canada.

L'organisation a lancé hier un appel aux musulmans à tuer des citoyens, notamment américains et canadiens, des pays formant la coalition internationale mise en place pour combattre le groupe djihadiste en Irak et en Syrie.

«Comme nos alliés, nous ne nous laisserons pas intimider par les menaces pendant que des enfants, des femmes, des hommes et des membres de minorités religieuses innocents vivent dans la crainte de ces terroristes», a tranché Carl Vallée, porte-parole du premier ministre Stephen Harper.

«Nos agences de sécurité sont depuis longtemps très au courant des menaces terroristes à travers le monde, y compris des menaces qui existent envers notre pays. C'est une réalité malheureuse du monde moderne», a affirmé le premier ministre en point de presse au parlement.

«Nous avons renforcé nos lois à cet égard et nous sommes en train d'examiner d'autres façons de continuer ce travail», a ajouté M. Harper. Son bureau n'a pas précisé la nature des changements qui pourraient être apportés.

Le Canada a envoyé environ 70 militaires membres de ses forces spéciales pour fournir des conseils stratégiques aux forces armées irakiennes afin de combattre l'EI. Le gouvernement maintient qu'il n'est pas question pour ces troupes de s'engager dans une mission de combat.

«Nous continuons notre dialogue avec nos alliés pour identifier d'autres moyens de répondre» à cette menace, a par ailleurs indiqué le premier ministre Harper. La mission canadienne dans le nord de l'Irak doit être réévaluée après 30 jours.

«Mécréant civil ou militaire»

L'implication canadienne a été jugée suffisante par l'EI pour cibler directement les Canadiens, au même titre que les Français, les Américains et les Australiens. «Si vous pouvez tuer un incroyant américain ou européen - en particulier les méchants et sales Français - ou un Australien ou un Canadien, ou tout [...] citoyen des pays qui sont entrés dans une coalition contre l'État islamique, alors comptez sur Allah et tuez-le de n'importe quelle manière», a déclaré Abou Mohammed al-Adnani, porte-parole de l'EI, dans un message publié en plusieurs langues.

«Tuez le mécréant, qu'il soit civil ou militaire», a-t-il ajouté.

Le message, publié sous forme audio en arabe avec une traduction écrite sommaire en anglais, en français et en hébreu, donne des instructions sur la manière de mener à bien la mission sans équipement militaire, par exemple en ayant recours à l'égorgement, la strangulation ou l'empoisonnement.

Les États-Unis et la France sont les deux pays qui ont jusqu'à présent mené des frappes aériennes en Irak sur des positions de l'EI, un groupe qui a déclaré en juillet un «califat» dans les secteurs qu'ils contrôlent à cheval sur la Syrie et l'Irak.

Révocation de passeport

Le ministre fédéral de l'Immigration, Chris Alexander, a annoncé au cours des derniers jours qu'il révoquerait les passeports de Canadiens impliqués dans des activités terroristes en Irak, en Syrie ou dans d'autres pays.

«Nous sommes ici pour montrer qu'il y a une différence entre l'approche libérale, surtout, et l'approche conservatrice en matière de sécurité nationale», a déclaré le ministre Alexander.

Selon Errol Mendes, professeur de droit constitutionnel et international à l'Université d'Ottawa, cette mesure pourrait contrevenir à la liberté de circulation prévue à l'article 6 de la Charte canadienne des droits et libertés.

«Ils seront peut-être capables de le valider en vertu de l'article premier de la Charte. Mais en même temps, il y a des contestations constitutionnelles potentielles et elles devraient faire l'objet de discussions», a déclaré le professeur.

M. Mendes a par ailleurs critiqué l'approche partisane du gouvernement dans ce dossier. Hier encore, les conservateurs ont raillé la position du chef libéral Justin Trudeau selon laquelle on devrait chercher à trouver les sources profondes de l'engagement terroriste, plutôt que de céder à des réflexes de vengeance et de violence.

«Il est vraiment troublant qu'une chose aussi importante que la sécurité des Canadiens et du Canada soit utilisée pour faire de la propagande électorale», a dénoncé M. Mendes.

- Avec l'Agence France-Presse