Le groupe armé État islamique (EI) semblait en passe de s'emparer de la totalité de Ramadi, la capitale de la province clé d'Al-Anbar, après avoir pris vendredi le QG gouvernemental, une conquête qui constituerait sa plus importante victoire depuis le début de l'année en Irak.

Si l'EI parvenait à prendre totalement Ramadi, il contrôlerait les capitales de deux des plus grandes provinces d'Irak. Mossoul, la capitale de la province de Ninive (nord), voisine d'Al-Anbar (ouest), est aux mains des djihadistes depuis juin 2014.

Une chute de Ramadi serait également un revers majeur pour le gouvernement du premier ministre Haider Al-Abadi qui avait promis que la reconquête d'Al-Anbar serait l'objectif de ses forces après la reprise de Tikrit aux djihadistes en mars dernier.

Reprenant l'initiative sur le terrain, le groupe ultra-radical sunnite a lancé jeudi une offensive sur plusieurs fronts à Al-Anbar, y compris un assaut avec des attentats-suicides à Ramadi, située à 100 km de Bagdad.

Ses combattants ont pris vers 11 h GMT (7 h, heure de Montréal) le complexe gouvernemental à Ramadi et «hissé leur drapeau noir sur le QG provincial de la police», a indiqué à l'AFP un haut responsable de la police.

L'EI contrôle désormais quasi totalement Ramadi. Majoritairement sunnite, la province d'Al-Anbar, en grande partie contrôlée par l'EI, s'étend des frontières syriennes, jordaniennes et saoudiennes jusqu'aux portes de Bagdad.

Les djihadistes y avaient pris pied dès janvier 2014 avant même le début de leur offensive fulgurante en juin de la même année qui leur a permis de prendre de larges pans du territoire irakien.

Dans un communiqué, l'EI a affirmé que ses combattants avaient «pris d'assaut le complexe, tué les renégats et fait exploser les bâtiments du gouvernorat d'Al-Anbar et du QG de la police safavide», avant de s'en emparer.

«Safavide» est un terme péjoratif utilisé par l'EI qui sous-entend un lien entre les forces armées irakiennes et celles de l'Iran chiite. Par «renégats», le groupe désigne les combattants des tribus sunnites alliées au gouvernement. L'Irak est à majorité chiite.

Fuite des familles

Un chef tribal a aussi confirmé la chute du complexe. «DAECH (un acronyme en arabe de l'EI) est parvenu à prendre le Conseil provincial et y a fait flotter son drapeau», a déclaré à l'AFP cheikh Hekmat Souleimane. «Les seules forces (gouvernementales) qui continuent à se battre sont confinées dans de petites poches à Ramadi et n'ont plus aucun poste de commandement».

Azal Obeid al-Fahdawi, membre du Conseil provincial, a affirmé qu'un grand nombre de civils fuyaient le centre-ville.

«Les familles tentent de fuir à pied, laissant leur voiture et leur maison derrière, mais la plupart des secteurs sont sous contrôle de l'EI à Ramadi», a dit un leader tribal, cheikh Jabbar Adjadj al-Assafi.

Dans son bulletin radiophonique quotidien, l'EI a affirmé avoir lancé une série d'attaques contre l'armée à Al-Anbar dont l'une à l'est de Ramadi menée «par un kamikaze britannique» identifié comme Abou Moussa al-Britani.

«Un autre véhicule conduit par notre frère martyr Abou Khobayb al-Chami a été lancé sur un poste de police à Ramadi, suivi d'un assaut», a ajouté l'EI. Il a aussi affirmé avoir tué 13 soldats près de Ramadi et exécuté 14 combattants tribaux sunnites progouvernementaux après la prise du quartier Jamiya dans le centre-ville.

Des sources de sécurité irakiennes ont en outre confirmé la prise par les djihadistes de la localité de Joubbah, située à 180 km au nord-ouest de Bagdad et près de la large base aérienne d'Al-Assad où des centaines de conseillers militaires américains sont stationnés.

L'EI a aussi lancé plusieurs attaques à l'est de Fallouja, à quelques kilomètres des frontières du gouvernorat de Bagdad.

L'offensive a été lancée le même jour de la diffusion pour la première fois depuis six mois, d'un enregistrement audio du chef de l'EI Abou Bakr al-Baghdadi qui a particulièrement salué ses combattants à Al-Anbar.

Le 9 juin prochain marque le 1er anniversaire de l'offensive des djihadistes qui avaient pris en 24 heures notamment Mossoul, deuxième ville du pays, face à une armée en déroute qui a dans les mois suivants repris un peu de terrain.