Dans les entrailles d'une banque de Tripoli aux murs criblés de balles, des dizaines d'employés tentent de trier des tas de reçus et d'autres papiers. Objectif: rouvrir dès que possible pour un retour rapide à la normale.

Le personnel de la Banque commerciale de Libye travaille d'arrache-pied dans ce but, impensable il y a quelques jours, quand les combats contre les forces de Mouammar Kadhafi faisaient rage sur la place juste devant le bâtiment.

Mais ce n'est qu'une question d'heures maintenant, assure Talal Djheis, 42 ans, l'un des responsables de l'établissement.

«Nous allons ouvrir nos portes normalement dimanche, dès que nous aurons fini le travail. Nous passons tous la nuit ici pour être prêts», affirme-t-il en regardant un coffre-fort en désordre, dont le contenu est listé sur un vieil ordinateur qui ne cesse de boguer.

D'une certaine manière, la course contre la montre du personnel pour remettre la banque sur pied illustre la volonté de la Libye à revenir rapidement à la normale après près de sept mois de guerre civile. Et s'il y parvient, c'est que le pays peut le faire aussi et échapper ainsi au chaos.

Des milliers de gestes similaires changent déjà le visage de la capitale libyenne. Les directeurs d'hôtels ont appelé leur personnel à revenir, les policiers, presque invisibles jusqu'à récemment, sont revenus patrouiller les rues.

La semaine avait commencé avec des balles et la chute d'un dictateur après presque 42 ans de pouvoir sans partage. Et pourtant les Libyens reprennent déjà le chemin du travail, en voiture ou à pied pour ceux qui n'ont plus d'essence.

Ce prompt rétablissement de Tripoli tient en partie au fait que la capitale a réussi à retrouver rapidement un niveau de sécurité que peu d'autres villes libyennes ont récupéré aussi vite ou aussi facilement.

Mais les coupures d'électricité, la pénurie d'eau et de produits de base empêchent un réel retour à la normale.

«Nous essayons d'utiliser moins d'eau que d'habitude, nous n'avons pas d'eau du gouvernement», affirme Ramadan el-Ghadamsi, 64 ans, devant un puits artisanal dans la vieille ville de Tripoli.

«J'ai arrêté de travailler il y a des mois et je ne vais pas retravailler avant que les choses soient plus claires», ajoute-t-il, se disant inquiet de ce qui pourrait arriver à la Libye maintenant que Mouammar Kadhafi est en fuite.

Malgré des réticences, pour beaucoup, y compris pour les dirigeants du Conseil national de transition (CNT), reprendre le travail est une démarche autant pour l'avenir de la Libye que pour garantir ses propres affaires.

Mohamed Abdallah, 30 ans, propriétaire d'un café, dit ne pas regretter une seconde le chiffre d'affaires perdu parce qu'il a dû fermer pendant un mois. Mais aujourd'hui, estime-t-il, il est temps de rouvrir.

«Ce n'est pas pour faire des affaires. Nous voulons juste que les gens se sentent mieux et qu'ils aient la liberté de parler de choses et d'autres», explique-t-il.