Applaudi par la foule lors de sa nomination en mars, le premier ministre égyptien Essam Charaf apparaît aujourd'hui affaibli face aux manifestations réclamant plus de réformes, et à l'armée qui dit le soutenir tout en réaffirmant le rôle dirigeant des militaires.

L'air fatigué, le ton monocorde, M. Charaf est apparu lundi soir à la télévision pour annoncer qu'il se donnait une semaine pour remanier son gouvernement sensé assurer la transition jusqu'aux législatives de septembre.

Il a également annoncé un remaniement des gouverneurs et fixé une échéance au 15 juillet pour le renvoi des policiers accusés d'avoir tué des manifestants durant la révolte de janvier-février qui a fait chuter le régime de Hosni Moubarak.

M. Charaf a également demandé des «procès ouverts» pour les responsables de l'ancien régime, cherchant à répondre à une demande pressante des manifestants.

Mais mardi la presse comme les militants qui campent depuis vendredi sur la place Tahrir au Caire ont accueilli fraîchement ses propos.

«La place Tahrir rejette le discours de M. Charaf», a titré le quotidien indépendant Al-Masri Al-Youm.

«La direction est mauvaise, vers où allons-nous?», a lancé pour sa part le quotidien Al-Goumhouria, lié au pouvoir.

«Tahrir veut la démission de M. Charaf», a titré pour sa part le quotidien indépendant Al-Chourouq.

Les militants pro-démocratie ont appelé à une manifestation de la place Tahrir jusqu'au siège du gouvernement en fin d'après-midi.

Des accrochages ont eu lieu dans la matinée sur ce lieu symbolique du soulèvement du début de l'année entre des militants et des «voyous», terme généralement utilisé pour désigner les hommes de main de l'ancien régime, a rapporté la télévision d'État.

Des manifestations se sont également poursuivies dans les grandes villes d'Alexandrie et de Suez.

Selon le quotidien anglophone Daily News Egypt, M. Charaf aurait mis sa démission dans la balance au cas où il ne pourrait remanier en profondeur son équipe gouvernementale et répondre aux demandes des manifestants.

Mais selon une source militaire, le Conseil suprême des forces armées (CSFA) lui aurait refusé la démission du ministre de l'Intérieur Mansour Issaoui.

Ce conseil militaire a pour sa part déclaré mardi qu'il «ne renoncerait pas à son rôle dans la gestion des affaires du pays en cette période critique pour le pays».

Le CSFA assure toutefois qu'il «continue de soutenir le premier ministre dans l'exercice de ses fonctions», mais sans faire référence aux mesures qu'il a annoncées.

Dans un message lu à la télévision, l'armée égyptienne met aussi en garde contre «la dérive de certains manifestants par rapport à une approche pacifique, qui porte atteinte aux intérêts de la population et fait obstruction aux institutions de l'État».

M. Charaf, professeur d'ingénierie à l'Université du Caire, a été ministre des Transports de 2002 à fin 2005, avant d'être démis à la suite de  divergences avec l'ancien premier ministre de l'époque, Ahmad Nazif.

Austère et réputé intègre, son nom avait été avancé par les mouvements à l'origine de la révolte anti-Moubarak eux-mêmes en mars dernier pour prendre la tête du gouvernement.

Son pouvoir est toutefois rapidement apparu des plus limités face à la tutelle de l'appareil militaire qui le réduit à la gestion des affaires courantes.

En marge de ces tensions politiques, une explosion manifestement d'origine criminelle a endommagé dans la nuit de lundi à mardi, pour la quatrième fois depuis février, le gazoduc égyptien alimentant Israël et la Jordanie, ont rapporté des officiels.