(Port-au-Prince) Des tirs ont été entendus jeudi à Port-au-Prince après trois jours d’une accalmie relative, au moment où les tractations sur la création d’autorités de transition se poursuivent pour tenter de sortir le pays des Caraïbes de sa profonde crise politique et sécuritaire.

La résidence du directeur général de la police a été pillée puis incendiée par des « bandits », selon le syndicat de police Synapoha. Le gouvernement sortant a prolongé le couvre-feu nocturne jusqu’à dimanche dans le département de l’Ouest, qui englobe la capitale.  

Lundi soir, le premier ministre Ariel Henry, dont le mandat a été marqué par une montée en puissance des gangs, a annoncé qu’il démissionnait.

Lors d’une réunion d’urgence en Jamaïque avec la participation de représentants haïtiens,  la Communauté des Caraïbes (Caricom), l’ONU et plusieurs pays comme les États-Unis et la France ont chargé des formations haïtiennes de mettre sur pied un conseil national de transition.

Cette structure doit être composée de sept membres votants représentant les principales forces politiques en Haïti et le secteur privé. Elle doit choisir un premier ministre intérimaire et nommer un gouvernement « inclusif ».

Démocratie

Six regroupements sur sept ont soumis le nom de leur représentant à la Caricom, ont indiqué plusieurs sources à l’AFP.

Seul le parti de gauche Pitit Desalin renonce à se faire représenter. Des démarches sont en cours pour le remplacer.

Quant aux membres du collectif du 21 décembre, le groupe d’Ariel Henry, ils ne sont pas parvenus à se mettre d’accord sur un seul représentant et ont désigné trois personnes.

« Au cours des dernières heures, un certain nombre des entités qui vont composer le conseil de transition ont soumis leurs noms », a confirmé un porte-parole du département d’État américain.

Les États-Unis continueront à travailler avec la Caricom, les partenaires internationaux et « avant tout avec les Haïtiens eux-mêmes » sur les moyens de « retourner à la démocratie et à des élections libres et transparentes en Haïti », a-t-il ajouté.

Déploiement suspendu

PHOTO VALERIE BAERISWYL, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

L'ex-premier ministre d'Haïti Ariel Henry

Fortement contesté, Ariel Henry avait été nommé quelques jours avant l’assassinat en 2021 du président Jovenel Moïse. Haïti, qui n’a connu aucune élection depuis 2016, est toujours sans chef d’État.

Les gangs contrôlent des pans entiers du pays, notamment 80 % de la capitale Port-au-Prince. Leurs violences-meurtres, viols, enlèvements contre rançon, pillages-ont récemment pris une nouvelle dimension, se sont inquiétées des organisations internationales.

M. Henry, qui s’était rendu à Nairobi pour signer un accord sur l’envoi de policiers kényans en Haïti, n’a pas pu regagner son pays.

Après quelques jours d’accalmie, des tirs d’arme automatique ont été entendus dans la nuit dans la capitale.

« J’ai entendu des rafales durant toute la nuit. Je n’ai pas pu fermer l’œil. Les tirs étaient vraiment proches », a rapporté à AFP une habitante de Vivy Mitchell, un quartier de Pétion-Ville, proche de l’académie de police.

Jeudi, des tirs ont également été entendus près de l’aéroport, qui reste fermé.

Au vu de la situation, le Kenya avait annoncé mardi suspendre le déploiement de ses policiers dans le cadre d’une mission internationale soutenue par l’ONU, mais assuré qu’il interviendrait une fois un conseil présidentiel installé.

Pour « la sécurité » de ses équipes et de ses passagers et « par prudence », la compagnie de croisières Royal Caribbean a indiqué à l’AFP qu’elle suspendait pour le moment ses escales à Labadee, en Haïti.

Emigration ?

PHOTO RALPH TEDY EROL, REUTERS

Le chef de gang Jimmy Chérizier

La réaction des gangs aux développements politiques est particulièrement scrutée. Le chef de l’une de ces bandes armées, Jimmy Chérizier alias « Barbecue », a affirmé que la démission d’Ariel Henry lui « import(ait) peu » et qu’il entendait « continuer la lutte pour la libération d’Haïti ».

En attendant de voir si une sortie de crise se profile, les Nations unies ont annoncé qu’elles allaient mettre en place un « pont aérien » entre Haïti et la République dominicaine voisine pour permettre « la fluidité de l’aide humanitaire ».  

Aux États-Unis, la droite s’est saisie du sujet d’Haïti sous l’angle migratoire, l’ex-président Donald Trump et candidat républicain à la présidentielle relayant la fausse information selon laquelle « des centaines de milliers de personnes sont en train d’arriver dans notre pays depuis Haïti ».