(Bogota) Les forces de l’ordre colombiennes se sont rendues coupables de « graves violations » des droits humains lors de la répression des manifestations antigouvernementales du printemps 2021, estime un rapport du Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’Homme.

Dans ce document publié mercredi, la délégation en Colombie du Haut-Commissariat juge que les autorités colombiennes ont fait « un usage inutile ou disproportionné de la force » lors de la mobilisation populaire dans les rues entre le 28 avril et le 31 juillet.

Au cours de cette période, les experts onusiens ont pu confirmer 46 décès (44 civils et deux policiers), dont 76 % ont succombé à des blessures par balles.

« Il existe des motifs raisonnables de croire que des policiers sont responsables d’au moins 28 de ces morts, et qu’au moins dix d’entre eux impliquent des membres » des unités antiémeute de la police nationale (ESMAD).

« Des acteurs non étatiques auraient tué dix personnes », relève par ailleurs le rapport, qui constate que des manifestants ont « été attaqués et pris pour cible par des individus armés sans que les forces de sécurité n’interviennent ».

Ces chiffres sont en contradiction avec ceux du bureau du procureur colombien, qui fait état de 29 homicides pendant ces troubles.

Le 28 avril a marqué le début du vaste mouvement de protestation contre le président conservateur Ivan Duque et son gouvernement, en réaction à un projet d’augmentation des impôts en pleine pandémie et dans le marasme économique.

Le mouvement a cristallisé les colères et frustrations de nombreux Colombiens, et a été alimenté par la répression policière. Les violences ont fait au moins 60 morts, selon le bureau du Défenseur du peuple, un organisme public chargé de veiller au respect des droits humains.

Les manifestations ont progressivement baissé d’envergure pendant l’été, alors qu’une nouvelle réforme fiscale, revue et corrigée, a été adoptée dans une relative indifférence à la mi-septembre.

Visiblement contrarié, le gouvernement Duque a déclaré qu’il ne partageait pas « bon nombre des déclarations » contenues dans l’enquête de l’ONU.

« Nous ne pouvons en aucun cas permettre qu’ils (les experts de l’ONU) viennent disqualifier les institutions et l’État de droit », a critiqué la vice-présidente et ministre des Affaires étrangères, Marta Lucia Ramirez, dans un entretien à une radio locale.

Ces rapports « génèrent une méfiance généralisée à l’égard des institutions », alors que le gouvernement a une « tolérance zéro pour la violation » des droits fondamentaux, a assuré Mme Ramirez.

De son côté, le Haut-commissariat de l’ONU appelle l’État colombien à enquêter de « façon rapide, impartiale et transparente » sur ces faits, de même qu’à « garantir l’indemnisation des victimes ».

Le rapport onusien fait également état de « 60 cas de violences sexuelles qui auraient été commises par la police, dont 16 ont pu être vérifiés à ce jour ».

« Le degré de criminalisation et de stigmatisation des manifestants, y compris par les médias les associant à des actes de vandalisme, voire à des allégations d’actes terroristes, est également préoccupant ».

Tout en constatant les « actes de violence et de dommages commis par certains manifestants », le rapport « conclut que la grande majorité des manifestations étaient pacifiques ».

Lundi, un rapport indépendant, mais rédigé avec le soutien de l’ONU avait déjà dénoncé les violences policières qui avaient causé le « massacre » de 14 manifestants, en septembre 2020. La mort d’un homme au moment de son arrestation, filmée et diffusée sur les réseaux sociaux, avait provoqué trois jours d’émeutes à Bogota.