(Bogota) Une violente mutinerie a fait 23 morts et 90 blessés, dont sept gardiens, dans une prison de Bogota samedi soir, en pleine urgence sanitaire pour la pandémie du nouveau coronavirus, qui a motivé le confinement de la capitale colombienne.

Dimanche, la ministre de la Justice, Margarita Cabello, a attribué ces graves troubles à une tentative d’évasion et rejeté des informations liant ce mouvement de protestation des prisonniers à de mauvaises conditions pénitentiaires aggravant le risque de contagion.

La Colombie a jusqu’à présent fait état de 231 personnes contaminées, dont deux morts, depuis le premier cas détecté le 6 mars.

« Il y a eu une tentative massive d’évasion criminelle au centre pénitentiaire La Modelo et des mutineries dans plusieurs centres pénitentiaires du pays. Le résultat de la tentative d’évasion à La Modelo a été 23 détenus tués », a déclaré Mme Cabello à la presse.

PHOTO DANIEL MUNOZ, AGENCE FRANCE-PRESSE

Un détenu blessé est transporté sur une civière.

La Modelo est la deuxième prison de Bogota après celle de La Picota, où une mutinerie a également éclaté samedi.

Familles défiant le confinement

La ministre a ajouté que 83 prisonniers avaient été blessés à la Modelo, dont 32 hospitalisés.  

Sept gardiens de ce centre carcéral ont aussi été blessés, dont deux sont dans un état critique, a-t-elle précisé, assurant que « les évasions ont été contrôlées ».

Bien que la capitale de quelque sept millions d’habitants soit soumise depuis vendredi au confinement obligatoire, des dizaines de proches de détenus étaient rassemblés aux abords de la prison.

Faisant fi des mesures d’isolement, les familles tentaient de recueillir des informations face au long silence observé par les autorités.

PHOTO IVAN VALENCIA, ASSOCIATED PRESS

« Douze heures sont passées depuis les mutineries à La Picota et à La Modelo sans que @MinijusticiaCo [le ministère de la Justice, NDLR], ni @INPEC_Colombia [le service pénitentiaire, NDLR] informent concrètement les proches et les citoyens de ce qui est arrivé », a tweeté la maire de Bogota, Claudia Lopez, en partageant une vidéo sur les réseaux sociaux.

Les images montrent des fonctionnaires du Défenseur du peuple, entité de protection des droits, et de la Procuraduria, service de contrôle de l’administration publique, qui s’adressent avec des porte-voix aux familles inquiètes du sort de leurs proches détenus.

Le général Norberto Mujica, directeur de l’Institut national pénitentiaire et carcéral (INPEC), a indiqué pour sa part que ses hommes avaient « évité que ce plan d’évasion soit mené à bien » et que des « prisonniers soient aujourd’hui en fuite ».

Selon le bilan officiel, des mutineries ont éclaté samedi soir dans 13 prisons du pays de manière simultanée.

« Plusieurs délits ont été enregistrés, dont tentative d’homicide, lésions personnelles, incendies et dégâts matériels. Il y a eu en outre des rixes entre les détenus eux-mêmes », a indiqué le ministère de la Justice dans un communiqué.

Urgence pénitentiaire

La Colombie compte environ 123 000 détenus dans 138 prisons, selon l’INPEC.

Le Défenseur du peuple a dénoncé une grave surpopulation, ce qui, en pleine pandémie de la COVID-19, aggrave les risques de propagation de la maladie.

De son côté, le chef de la Procuraduria, Fernando Carrillo, a appelé le gouvernement à déclarer l’« urgence sanitaire pour garantir les conditions de santé, respecter les droits et préserver l’ordre public ».  

Sa demande a été appuyée par le Défenseur du peuple, qui a en outre demandé la sortie de prison des personnes de plus de 60 ans, ainsi que des détenus purgeant des peines de moins de huit ans d’incarcération.

La ministre de la Justice a toutefois nié que les mutineries soient liées à un « problème sanitaire » et les a attribuées à « un plan criminel d’évasions ».

« Il n’y a à ce jour pas un seul contaminé au coronavirus, ou qui serait isolé en raison du coronavirus, ni parmi les prisonniers, ni parmi le personnel administratif et de surveillance, », a affirmé Mme Cabello.

La Colombie et ses 48 millions d’habitants se préparent à la généralisation du confinement obligatoire à tout le pays, à partir de mercredi et jusqu’au 12 avril inclus.