« Le revirement est déjà là, nous allons gagner ! » : à la veille du deuxième tour de la présidentielle au Brésil, où l'extrême droite est grande favorite, les partisans du candidat de gauche, Fernando Haddad, voulaient croire samedi à un ultime renversement de tendance.

Alors que Jair Bolsonaro, candidat d'un parti minuscule et quasi inconnu il y a encore quelques mois, a de fortes chances de devenir le prochain président du Brésil, les partisans du candidat du Parti des travailleurs (PT), Fernando Haddad, croient encore en un dernier rebondissement.  

« Je suis tout excité, car il pourrait y avoir un retournement de tendance, en particulier depuis les sondages des derniers jours », s'enthousiasme Paulo Rames, un travailleur culturel de 34 ans.  

Selon une dernière enquête d'opinion parue jeudi, Fernando Haddad (44 %), largement distancé par Jair Bolsonaro (56 %), a réduit son retard, désormais de 12 points, contre 18 précédemment. Une embellie à laquelle s'accrochent ses partisans.

Vêtu d'une chemise blanche, Paulo Rames a répondu à l'appel d'une « marche pour la paix » organisée par le candidat du PT à Heliopolis, la plus grande favela de Sao Paulo.  

Une dernière tentative de mobilisation des classes les plus pauvres, électrices traditionnelles du parti de l'ex-président Lula, mais aussi la communauté qui pourrait le plus pâtir des mesures prônées par le candidat d'extrême droite, qui veut libéraliser le port d'arme et propose une « protection juridique » pour les policiers lors d'opérations contre la criminalité.  

« Brésil urgent, Haddad président  ! », « Le revirement est déjà là  ! » s'enflamment ses partisans lorsqu'apparaît Fernando Haddad, lui aussi vêtu de blanc, sous des nuées de drapeaux.  

« Jusqu'à la nuit, nous distribuerons des tracts et tenterons de renverser la tendance de ce scrutin. Si Sao Paulo s'est déjà retourné, le Brésil peut le faire aussi  ! » exhorte le candidat, juché sur une camionnette, devant des milliers de supporteurs, qui chantent et dansent au son des tambours.

Selon un sondage de l'institut Ibope, paru mardi, Fernando Haddad arriverait en tête avec 51 % des voix au deuxième tour dans la métropole dont il a été maire (2012-2016), contre 49 % pour Bolsonaro, qui l'avait pourtant nettement devancé au premier tour (44 % contre 19 %).

« Saut dans l'inconnu »

« La démocratie vaincra, le militarisme non. La dictature de nouveau, non. Notre Brésil n'a pas besoin d'armes, mais de programmes sociaux. On gagnera  ! » s'exalte à son tour Emerson Santana, un militant du PT de 44 ans, au milieu de la foule massée dans les rues étroites de la favela, où le candidat tente de se frayer un chemin.

« La population est en train de prendre conscience du saut dans l'inconnu que représente la candidature de Bolsonaro », ajoute peu après devant la presse le candidat de gauche, qui a promis de rendre « le Brésil heureux à nouveau », comme sous les deux mandats de croissance de son mentor Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2010).  

« J'ai décidé de me joindre à la manifestation parce que, lorsque Haddad était maire, il a fait beaucoup choses pour les gens des périphéries », explique Paulo Rames.  

Brandissant une pancarte pour défendre l'éducation, Fatima Ferreira, une employée de maison de 45 ans qui habite dans un quartier voisin de Heliopolis, est, elle aussi, « convaincue » qu'un renversement de tendance se produira en faveur du candidat du PT.

Cette militante redoute surtout que Jair Bolsonaro soit élu : « Pour nous, les pauvres, ce sera plus difficile, car il ne pense qu'aux riches, pas au peuple ».  

Paulo Rames ne veut pas non plus imaginer ce qui se passera en cas de victoire du candidat d'extrême droite.  

« J'ai très peur que Bolsonaro soit élu, peur que des gens soient éliminés littéralement comme il le dit, que les mouvements sociaux et culturels soient criminalisés », dit-il, alors que le candidat d'extrême droite a menacé de « purger » le pays des « marginaux rouges ».