Alcides Alvarez tremble lorsqu'il doit débroussailler un champ près de son village de Vista Hermosa, commune qui compte la majeure partie des victimes de mines antipersonnel de Colombie, pays le plus affecté par ce fléau après l'Afghanistan.

Cette région, qui a été un des fiefs de la guérilla des Farc, compte 362 victimes des mines - mutilées ou mortes - depuis 1990: 205 civils, dont 43 mineurs, et 157 militaires, selon des chiffres officiels.

Cela «fait plutôt peur d'aller débroussailler parce qu'on sait qu'il y a des trucs (explosifs), mais on ne sait pas où», a expliqué à l'AFP cet agriculteur âgé de 50 ans.

Aujourd'hui, les guérilleros des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc) ont commencé à déposer leurs armes, en application de l'accord de paix signé en novembre, et Vista Hermosa est au centre d'un ambitieux programme de déminage, mené avec l'appui des États-Unis.

Ce plan est financé à hauteur de 8,2 millions de dollars par le Département d'État américain et implique plusieurs organisations spécialisées, dont l'ONG internationale «The HALO Trust».

«Je vais me sentir plus en sécurité sans ces éléments», ajoute M. Alcides Alvarez, après que des démineurs de HALO aient désactivé deux mines dans le secteur où il vit et travaille.

«Ce sont des éléments qui ont été placés pendant le conflit pour atteindre l'ennemi, mais ceux qui en réalité ont été touchés, ce sont des civils. Dans ce village, il y a eu beaucoup d'accidents, des morts et des amputés», ajoute-t-il.

Situé dans le département de Meta, Vista Hermosa comptait aussi d'importantes plantations de coca, composant de base de la cocaïne. Le lien entre la présence de mines antipersonnel et de cultures illégales est courant en Colombie, premier producteur mondial de feuille de coca avec 96 000 hectares, et de cocaïne avec 646 tonnes en 2015, selon l'ONU.

Plus de 11 500 morts et amputés

Ce pays, déchiré depuis plus d'un demi-siècle par un conflit interne qui a vu s'affronter guérillas, paramilitaires d'extrême droite et forces de l'ordre, est aussi le plus affecté du monde par les mines antipersonnel, après l'Afghanistan. Ces explosifs y ont fait quelque 11 500 victimes, dont environ 2000 morts.

Dans l'accord de paix, les Farc se sont engagées à contribuer au déminage.

Le Meta, au centre de la Colombie, est le département «qui compte la plus grande superficie contaminée» par les mines, estimée «à plus de huit millions de m2», selon la Direction pour l'action intégrale contre les mines antipersonnel (Daicma).

Gildardo Alvis, 22 ans, vit là. Il travaille depuis six mois avec The HALO Trust comme démineur à Vista Hermosa.

«Grâce à Dieu, HALO est arrivé dans le Meta, a donné du travail à beaucoup de gens», se réjouit le jeune homme, qui avant s'échinait aux champs comme ses parents, sans aucune réelle perspective d'avenir.

«On a des émotions contraires: c'est un beau travail (...) quand par exemple on démine une aire très proche d'une maison et d'un chemin». Mais «parfois, on a un peu peur parce qu'on cherche des mines, et cela peut nous affecter», ajoute-t-il.

Lors d'une visite dans la zone avec des représentants américains, le directeur de la Daicma, Sergio Bueno, a précisé qu'il s'agit de nettoyer en 18 mois «toute la superficie jugée contaminée, qui avoisine 1,2 million de m2» à Vista Hermosa.

Dans toute la Colombie, il y a «plus de 52 millions de m2» contaminés, estime M. Bueno, un des responsables du plan gouvernemental qui vise à déminer la totalité du pays d'ici 2021.