La présidente brésilienne Dilma Rousseff a promis mardi de lutter «de toutes ses forces et par tous les moyens légaux et de combat» contre sa destitution à la veille d'un vote du Sénat qui s'apprête à l'écarter du pouvoir.

«Le dernier jour de mon mandat est le 31 décembre 2018», a martelé l'impopulaire dirigeante de gauche accusée de maquillages des comptes publics, devant des milliers de partisans galvanisés.

«Je vais lutter de toutes mes forces en utilisant tous les moyens disponibles, tous les moyens légaux, tous les moyens de combat», a averti cette ancienne guérillera torturée sous la dictature militaire (1964-88).

Mme Rousseff a de nouveau dénoncé un «coup d'État sans armes, sans baïonnettes (...) dirigé par l'ancien  président du Congrès des députés Eduardo Cunha, allié au vice-président» Michel Temer, 75 ans, qui pourrait la remplacer dès cette semaine.

«Ces gens n'arrivent pas à se faire élire à la présidence par le vote populaire. Ils utilisent le processus de destitution pour procéder à une véritable élection indirecte dont le peuple est exclu», a dénoncé Dilma Rousseff.

Sa défense a déposé une action de dernière minute devant le Tribunal suprême fédéral (TSF) pour lui demander d'annuler la procédure.

«Vengance personnelle»

Elle dénonce un acte de «vengeance personnelle» d'Eduardo Cunha, farouche adversaire de la présidente, qui a été suspendu jeudi de ses fonctions par la haute juridiction pour entrave aux enquêtes judiciaire et parlementaire le visant dans le cadre du scandale de corruption Petrobras.

L'avocat de Mme Rousseff, son ancien ministre de la Justice José Eduardo Cardozo, avait convaincu lundi le président par intérim de la chambre basse Waldir Maranhao d'annuler l'approbation de la procédure par les députés à une écrasante majorité le 17 avril.

Mais la manoeuvre a échoué: le président du Sénat Renan Calheiros avait décidé d'ignorer cette «demande intempestive».

Et le fantasque député Maranhao, sous forte pression, avait dans la soirée, sans explications, annulé sa propre annulation de la procédure décrétée solitairement le matin.

Si le TSF n'interrompt pas le processus, Mme Rousseff devrait être écartée provisoirement du pouvoir dès mercredi soir ou jeudi matin.

Les sénateurs brésiliens se réuniront mercredi à 09h00 en séance plénière pour prononcer l'ouverture formelle d'un procès en destitution de la présidente.

L'issue du vote à la majorité simple ne fait pratiquement aucun doute: une cinquantaine de sénateurs sur 81 ont annoncé qu'ils étaient favorables à la destitution de Mme Rousseff, première femme élue à la tête du plus grand pays d'Amérique latine.

Elle serait alors automatiquement écartée du pouvoir, pendant un délai maximum de six mois, dans l'attente du vote définitif aux deux-tiers des sénateurs sur sa destitution.

Son ancien allié, le vice-président Temer, a poussé fin mars son parti centriste PMDB, arbitre de toues les majorités depuis 1994, a claquer la porte de la coalition.

M. Temer peaufine en coulisses la formation d'un gouvernement de redressement économique attendu avec impatience par les marchés, avec à la clé un programme de mesures impopulaires: coupes budgétaires, réformes du régime des retraites, du droit du travail.

Mercredi, chaque sénateur disposera de 15 minutes de temps de parole. La séance pourrait s'étaler sur une vingtaine d'heures et le vote n'intervenir que jeudi matin. Mais le président du Sénat veut en finir dès mercredi soir.

Des manifestations de soutien à Mme Rousseff ont été organisées mardi dans 15 États et dans le District fédéral (capitale Brasilia).

«Crime de responsabilité»

À Brasilia, les autorités ont érigé devant le Sénat un mur de panneaux métalliques pour séparer mercredi les manifestants pro et anti-destitution.

L'opposition accuse Mme Rousseff d'avoir dissimulé l'ampleur des déficits publics en 2014, année de sa réélection, et en 2015, en faisant supporter aux banques publiques des dizaines de milliards de dépenses incombant au gouvernement.

Mme Rousseff nie avoir commis un quelconque «crime de responsabilité», alléguant que tous ses prédécesseurs ont eu recours à ces tours de passe-passe budgétaires.

Environ 60% des Brésiliens souhaitent son départ, selon les derniers sondages.

Ils sont à peu près aussi nombreux à vouloir celui de M. Temer, crédité de 1 à 2%» d'intentions de vote en cas d'élection présidentielle, et à souhaiter des élections anticipées.

Le Brésil est englué depuis début 2015 dans sa pire récession économique depuis des décennies, sur fond d'envolée de la dette, des déficits publics et du chômage.

Le gouvernement du Parti des travailleurs (PT, gauche), au pouvoir depuis 2003, est en outre éclaboussé de plein fouet par le gigantesque scandale de corruption autour du groupe public pétrolier Petrobras.

Pratiquement toute l'élite politique du pays est désormais visée par l'enquête judiciaire, de l'ex-président Lula, mentor de Mme Rousseff, au chef de l'opposition Aecio Neves (centre-droit) en passant par le PMDB de M. Temer.