Les Cubains n'auront plus besoin à partir du 14 janvier que d'un simple passeport pour voyager à l'étranger, après la disparition du permis de sortie obligatoire dans le cadre d'une très attendue réforme de la loi migratoire annoncée mardi par le gouvernement cubain.                

Après l'introduction de doses d'économie de marché en 2011 - ventes de logements et véhicules, crédit bancaire, soutien au travail indépendant... - , la réforme de la loi sur les voyages est la première grande mesure sociale du régime communiste, qui ouvre les portes de l'étranger aux Cubains. Ou du moins à ceux qui pourront se le permettre.

Outre la suppression de la « carte blanche » - le permis de sortie délivré à la discrétion des autorités - et de la lettre d'invitation, la durée de séjour à l'étranger se voit porter de onze mois à 24 mois, selon la loi qui entre en vigueur 90 jours après sa publication mardi au Journal officiel de Cuba.

Depuis les années soixante, les Cubains désirant quitter l'île doivent solliciter une « carte blanche » et présenter une lettre d'invitation de l'étranger, où ils ne peuvent rester plus de onze mois, sous peine de voir leurs biens confisqués et être considérés comme des expatriés définitifs, généralement sans possibilité de retour.

Toutes ces formalités - passeport, permis de sortie, certifications de documents, visa du pays de destination - se font à un coût de l'ordre de 500 dollars qui, ajoutés au billet d'avion, mettent souvent les voyages hors d'atteinte pour les Cubains dont le salaire mensuel officiel est de 19 dollars.

En sens inverse, la loi supprime le permis d'entrée à Cuba requis pour les émigrés quand ils se rendent dans l'île et prolonge leur séjour autorisé d'un à trois mois, prorogeables.

Pour autant, des restrictions demeurent. « Seront titulaires d'un passeport, les citoyens cubains qui répondent aux dispositions établies dans la loi migratoire actualisée », précise un communiqué du ministère des Affaires étrangères.

Un casier judiciaire ou une dette avec l'État peut exclure du droit au passeport, mais la loi évoque également d'imprécises « raisons de défense et de sécurité nationale » qui peuvent servir à refuser la délivrance d'un passeport.

La célèbre blogueuse cubaine d'opposition Yoani Sanchez, qui affirme avoir essuyé vingt refus de « carte blanche », a réagi sur Twitter : « Mes amis me disent de ne pas me faire d'illusion, que je suis sur la "liste noire", mais j'essaierai ».

Les restrictions aux voyages à l'étranger avaient notamment pour but d'éviter une « fuite des cerveaux », selon les autorités, qui forment chaque année des milliers de jeunes ingénieurs, médecins et autres professionnels, pouvant être attirés par de meilleures conditions de travail à l'étranger.

À ce titre, le souci du gouvernement cubain est maintenu : « l'actualisation de la politique migratoire prend en compte le droit de l'État révolutionnaire à se défendre contre les plans d'ingérence et de subversion du gouvernement américain et de ses alliés », affirme le communiqué du ministère des Affaires étrangères.

« Tant que persistent les politiques de "vols de cerveaux", destinées à nous déposséder des ressources humaines indispensables au développement économique, social et scientifique de notre pays, Cuba sera obligée d'adopter des mesures pour se défendre sur ce front », a affirmé de son côté Granma, le quotidien du Parti communiste de Cuba (PCC).

Ainsi, plusieurs catégories socioprofessionnelles devront encore demander une autorisation avant de demander un passeport : militaires, ingénieurs, médecins ou encore sportifs de haut niveau.

Environ 1,5 million de Cubains et leur descendance vivent à l'étranger - dont 80 % aux États-Unis, notamment à Miami, en Floride -, pour une population locale de 11,2 millions.